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des objets de parure — coquillages travaillés ou non, etc. — qui constituent la monnaie. La parure en effet est un des premiers en date parmi les besoins des hommes ; et dans certaines peuplades, les objets de parure sont les seules richesses — ou à peu près — que tout le monde désire, et qui jouissent en même temps de la propriété de se conserver d’une manière pratiquement indéfinie.

228. Les métaux comme monnaie. — Il y a donc eu, tout d’abord, une grande variété de monnaies. Parmi ces monnaies, une sélection devait naturellement s’opérer à mesure que les échanges se multipliaient, que les relations commerciales se développaient entre les clans, les tribus, les peuples. Cette sélection devait avoir pour effet, finalement, de réserver la fonction monétaire aux métaux — le fer, le plomb, l’étain, le cuivre, l’argent, l’or —. Comme les biens indiqués ci-dessus, les métaux se conservent, on peut dire, indéfiniment. De plus, ils sont désirés en tout pays, ou peu s’en faut, soit parce qu’on en peut faire des armes, des outils, soit parce qu’ils sont beaux et qu’on peut s’en parer[1] ; et ils ont, par là, une supériorité sur les autres monnaies primitives. Mais à bien d’autres égards encore ils sont supérieurs à ces diverses monnaies. Voici les principales des qualités qu’ils possèdent — en outre de celles qui ont été mentionnées — et qui les rendent éminemment propres à la fonction monétaire[2].

1° Ils sont faciles à transporter, à cause de leur densité de valeur élevée, et à cause de leur nature. Aujourd’hui, ce qu’un homme peut porter de charbon sur son dos représente à peine une valeur d’un franc, ce qu’il peut porter d’or, 100.000 francs ; l’or et l’argent voyagent, d’un bout du monde à l’autre moyennant des frais qui, tout compris, ne représentent qu’une très petite portion de leur valeur. Même en tenant compte du fait que les métaux doivent une partie de leur valeur à leur emploi comme monnaie, il reste que des métaux comme l’or et l’argent, sous le rapport qui nous occupe, ont un grand avantage sur les biens que nous indiquions tantôt. Parmi ces biens, d’ailleurs, il en est — le bétail vivant — dont le transport, non seulement est coûteux, mais peut rencontrer de grandes difficultés.

2° Ils ont une valeur relativement constante dans le temps. La valeur du blé, par exemple, peut varier considérablement d’une année à l’autre : le blé n’a d’utilité intrinsèque qu’autant qu’il est destiné à une consommation destructive ; il n’est donc point fait pour être accumulé ; et les récoltes successives peuvent être très inégales. Les métaux, au contraire, sont employés à des usages qui ne les détruisent pas ; il s’en constitue ainsi un

  1. La beauté des métaux, en les faisant désirer, a contribué à les faire employer comme monnaie ; puis quand ils ont eu cet emploi, leur valeur s’en étant accrue, on les a recherchés davantage — pour ce fait même — comme parure.
  2. Cf. Jevons, ouvrage cité, chap. 5.