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l’on désirera ; et quand on achète, c’est avec de l’argent qu’on a acquis, le plus souvent, par une vente ou par quelque opération analogue[1]. Toutefois, il y a des raisons d’appeler du nom d’échanges même ces opérations incomplètes ; la meilleure est que l’économique a besoin d’un mot pour désigner l’ensemble de tous les contrats synallagmatiques dont elle a à s’occuper, et que le mot « échange » est celui qui se présente tout naturellement ici.

226. Avantages de l’échange monétaire. — Si nous comparons le troc et l’échange monétaire, nous nous persuaderons sans peine de la supériorité de celui-ci. Sous la forme du troc, les échanges ne sauraient prendre un bien grand développement. C’est que le troc est une opération très difficile à effectuer. Nous ne parlerons pas de ce fait — sur lequel nous aurons à revenir quand nous traiterons de la valeur — que les conditions du troc, là où celui-ci est économiquement possible, sont souvent indéterminées dans une grande mesure, et qu’ainsi le troc ne va pas, à l’ordinaire, sans des marchandages qui pour des raisons psychologiques en rendent la conclusion malaisée et incertaine. Plaçons-nous au point de vue purement économique. Pour que le troc puisse s’effectuer, il faut supposer deux individus pourvus en telle sorte, que chacun ait des biens que l’autre désire ; il faut en outre que l’un de nos deux individus trouvant avantage à céder un bien qu’il a contre un bien que possède l’autre, celui-ci, de son côté, trouve avantage à céder ce dernier bien contre le premier. Or celle coïncidence ne se réalisera que rarement. Ainsi un individu possède un bœuf de labour, un cheval de trait dont il serait disposé à se défaire, s’il pouvait en le cédant se procurer telle quantité de certains autres biens ; mais il ne trouvera personne qui consente à ce troc : un troc ne serait possible ici, par exemple, que si notre homme pouvait céder, contre la moitié de ces biens qu’il désire, la moitié de son bœuf ou de son cheval ; et malheureusement, on ne saurait partager le bœuf ou le cheval : la moitié de la bête n’aurait aucune utilité, ou aurait une utilité de beaucoup inférieure à la moitié de l’utilité de la bête entière.

Dira-t-on que du moment que l’on a des biens, on trouvera toujours à

  1. On dit souvent, à ce propos, que l’emploi de la monnaie décompose le troc. Cette formule n’est point parfaitement heureuse ; du moins prête-t-elle à l’équivoque. L’emploi de la monnaie, sans doute, fait qu’en place de trocs on a des ventes et des achats. Mais ce serait une erreur de croire que chaque troc est remplacé par une fente et un achat ; en réalité, on a quelque chose de différent. A, par exemple, vend un mouton à B. Avec l’argent qu’il reçoit, il n’achètera pas à B, mais à C. Le mouvement de l’argent n’est pas un mouvement de va-et-vient, c’est un mouvement circulatoire. C’est pourquoi, au lieu de dire de l’argent qu’il est l’intermédiaire des échanges — expression qui peut donner naissance à des erreurs —, il vaudrait peut-être mieux dire qu’il en est l’instrument.