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minerons d’abord comment les échanges s’opèrent ; nous étudierons, en d’autres termes, le mécanisme en quelque sorte extérieur ou superficiel de l’échange. Nous rechercherons ensuite ce qui règle, ce qui détermine les échanges — et par suite la production, en tant qu’elle est mercantile — ; autrement dit nous ferons la théorie de la valeur.

225. Ses deux modes. — L’échange peut s’opérer en deux manières. Il y a une première sorte d’échanges que l’on appelle du nom de trocs. Et il y a des échanges d’une autre espèce. Le troc est caractérisé par le fait que chacun des échangistes désire le bien qu’il reçoit à cause de son utilité intrinsèque : ainsi un sauvage, ayant fait une chasse heureuse, cédera une partie du gibier qu’il a pris pour avoir des armes qui lui sont nécessaires : et son coéchangiste acceptera cet échange parce que dans ce moment il n’est pas suffisamment pourvu de nourriture. Mais considérons le producteur qui vend ses produits contre de l’argent ; cet argent, il l’accepte en paiement, il le désire, non point à cause d’une utilité intrinsèque qu’il y trouverait, mais parce qu’avec lui il pourra se procurer toutes sortes de biens qu’il désire.

On prendra garde de bien comprendre l’expression « utilité intrinsèque », dont nous venons de nous servir. Supposons qu’un industriel échange des produits contre des matières premières dont il a besoin pour faire marcher son industrie. Ces matières premières n’auront pas pour lui une utilité immédiate ; il ne se les procure que parce que grâce à elles il pourra, d’une manière indirecte, obtenir des choses qu’il désire pour elles-mêmes. L’opération que nous venons de dire, cependant, ne constituera pas autre chose qu’un troc. Les matières premières de notre industriel ne lui sont pas directement utiles ; mais elles lui sont utiles en raison des propriétés qu’elles possèdent et qui les rendent aptes à certains emplois particuliers, tandis que l’argent, à l’ordinaire, est recherché en raison de la propriété qu’il a de pouvoir s’échanger contre tous les autres biens.

Il convient d’appeler échanges monétaires la deuxième des espèces d’échanges que nous avons distinguées. La monnaie, en effet, est constituée précisément par ces biens qui sont reçus universellement — tout au moins dans une société donnée — comme moyens de paiement, par la cession des quels, conséquemment, on peut acquérir toutes sortes de biens, et que l’on recherche en raison de ce fait.

On dit couramment que la monnaie, là où l’usage en est répandu, est l’intermédiaire des échanges. Quand on parle ainsi, on considère qu’il n’y a d’échange véritable que le troc. Cette façon de parler est conforme aux habitudes juridiques : le droit en effet oppose l’échange à la vente et à l’achat. Et elle est fondée aussi, en un sens, économiquement : car la vente et l’achat ne sont pas des opérations complètes ; quand on vend, c’est pour pouvoir, avec l’argent que l’on reçoit, acheter plus tard quelque bien que