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et sont cotées à des cours très élevés. Nous avons dit que les compagnies d’assurance contre l’incendie faisaient 127 millions de recettes et n’avaient que 101 millions de dépenses. De ce chef encore, on conçoit la possibilité, avec une organisation différente, d’abaisser considérablement le coût de l’assurance[1].

3° Les compagnies d’assurance, quand elles ont des capitaux importants à leur disposition — comme c’est le cas, par exemple, pour les compagnies d’assurance sur la vie — peuvent être tentées, pour grossir leurs bénéfices, d’engager ces capitaux dans des placements, voire dans des spéculations hasardeuses. L’enquête à laquelle la législature de l’État de New-York a fait procéder, tout dernièrement, sur les pratiques des compagnies d’assurances de l’État a révélé que celles-ci participaient au lancement des affaires, et qu’elles étaient engagées dans les combinaisons les plus risquées de la haute finance[2]. Et l’histoire des compagnies d’assurance, en bien des pays, est marquée par une longue suite de déconfitures.

4° Les compagnies d’assurances, pour la plupart, ne font d’opérations qu’avec les personnes d’une condition relativement élevée ; elles ne trouveraient pas leur avantage, pensent-elles, à s’adresser aux classes populaires. El le petit nombre d’entre elles qui s’adressent à celles-ci le font en telle manière — nous le verrons bientôt — que beaucoup de bons esprits croient devoir condamner leurs pratiques.

À côté des compagnies d’assurances, comme nous savons, il y a les sociétés mutuelles. Il importe, toutefois, de voir celles-ci là où elles sont réellement, et de ne pas s’en rapporter à une étiquette trompeuse. Beau coup de sociétés mutuelles ont été fondées par des hommes qui avaient en vue le lucre : telles les grandes sociétés mutuelles américaines d’assurance sur la vie. Ç’a été une habileté de ceux qui les ont créées que de commencer leurs opérations avec un capital-actions très petit — le capital-actions de l’Equitable est de 100.000 dollars —, et de promettre à leur clientèle une part dans les bénéfices. Pour le reste, possesseurs de la majorité des actions, ces hommes exercent une autorité dictatoriale ; ils s’allouent pour leur travail de direction des rémunérations énormes, et disposent à leur gré des capitaux — formidables parfois — que leurs sociétés réunissent.

Les véritables mutuelles échappent aux critiques que l’on doit adresser aux compagnies. Mais si elles veulent s’agrandir — ce qui est une nécessité dans certaines catégories d’assurances — leur organisation devient

  1. Les deux observations que nous venons de présenter sont résumées, pour ce qui est des compagnies d’assurance contre l’incendie, par la comparaison des primes nettes encaissées — 121 millions en France, en 1904 — et des sinistres réglés — 64 millions — ; il faut seulement ajouter à la dernière somme quelque chose pour les frais généraux.
  2. Cf. Raffalovich, ouvrage cité, pp. 24-26, 668 sqq.