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le fasse pas d’ordinaire — les placements de fonds en rentes viagères ; ces opérations d’ailleurs rentrent dans le cadre de celles auxquelles les compagnies d’assurances sur la vie se livrent. D’une certaine manière en effet, celui qui place sa fortune en viager se décharge d’un risque résultant de l’incertitude de la date de sa mort. Un individu possède 100.000 francs, et veut dépenser tout cet avoir de son vivant ; les tables de mortalité indiquent que les hommes de son âge ont encore en moyenne 20 ans à vivre : dépensera-t-il donc 5.000 francs par an — nous négligeons la possibilité qu’il a de tirer de ses capitaux des intérêts — ? il s’exposerait par là, si sa vie se prolongeait plus de 20 ans, à se trouver un jour sans ressources. Il s’adressera donc à un assureur, qui contre la cession des 100.000 francs promettra de lui payer 5.000 francs par an. On dira peut-être que notre individu pouvait placer son avoir en rentes perpétuelles, qu’ainsi il évitait tout risque ; et cela est vrai ; mais cette rente perpétuelle eût été beaucoup plus basse que la rente qu’il obtiendra en viager.

Ajoutons que l’organisation des assurances sur la vie est, pour d’autres raisons encore que la complexité et la diversité des opérations qu’elles embrassent, plus difficile que celle des assurances dont nous avons parlé tantôt. Celui qui assure contre l’incendie, par exemple, règle chaque année les sinistres qui se produisent avec les primes qu’il reçoit des assurés ; celui qui assure sur la vie, au contraire, est obligé de capitaliser les primes qu’il encaisse : non seulement sa comptabilité est plus malaisée à établir, mais il a des placements considérables à faire, qui ne vont pas sans causer beaucoup de tracas et sans s’accompagner de beaucoup de risques.

C’est aux États-Unis que les affaires d’assurance sur la vie ont pris les proportions les plus gigantesques. On estime le nombre des personnes assurées dans 90 compagnies américaines à 10 millions, payant annuellement 500 millions de dollars pour une assurance de 12 milliards. Si on laisse de côté les assurances populaires, sur lesquelles nous aurons à revenir, il y avait en cours, à la fin de 1904, 5.059.000 polices d’assurance sur la vie ; et le montant assuré dépassait 10.235 millions de dollars, dont la moitié pour trois compagnies seulement, la New-York, la Mutual et l’Equitable[1]. On remarquera que la moyenne des polices est de 2.000 dollars, ce qui indique que les gens aisés ou même riches s’assurent beaucoup : le fait s’explique, comme d’ailleurs tout le développement des assurances sur la vie aux États-Unis, par l’instabilité des fortunes dans ce pays.

Dans le Royaume-Uni, en 1897, il y aurait eu, en ne comptant pas les assurances populaires, 1.543.020 polices, et les sommes assurées se seraient élevées à plus de 14 milliards de francs ; le capital assuré serait

  1. Cf. Raffalovich, Le marché financier, 1905-06, p. 20.