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tique, soit au point de vue économique. Un individu, contre versement d’une prime annuelle, s’engage à donner aux héritiers d’un autre individu, lorsque celui-ci mourra, une certaine somme. Il peut prendre cet engagement parce qu’il a des raisons de croire que l’assuré vivra long temps, plus longtemps que cet assuré ne pense. Il peut le prendre aussi parce que, ayant la même opinion que l’assuré sur la durée de vie qui lui est réservée, sa situation différente lui permet d’avoir une attitude différente devant le risque : l’assureur, en effet, est-il très riche ? il ne perdra pas beaucoup plus, si l’assuré meurt dix ans avant le terme prévu, qu’il ne gagnera, s’il meurt dix ans plus tard — nous supposons que la prime a été établie de manière à couvrir exactement le risque mathématique — ; l’autre au contraire, s’il est pauvre, fera une très grande différence entre le mal qui résulterait pour les siens, au cas où il ne s’assurerait pas, de sa mort prématurée, et le profil qu’ils auraient à ce qu’il vécût longtemps. Enfin, n’oublions pas qu’aucune des raisons ci-dessus n’existant, et l’estimation — tant économique que mathématique — du risque étant la même des deux côtés, un individu peut en assurer un autre pour cette raison que l’estimation du risque n’est pas tout ce qui détermine l’altitude des gens devant celui-ci, parce qu’il y a des gens plus timorés, et d’autres plus aventureux.

Les assureurs à l’ordinaire — que ce soient des individus, des sociétés ou des États — pratiquent les opérations d’assurance en grand. Assurant beaucoup de personnes, les risques dont ils se chargent se neutralisent — cela, en vertu de cette loi des grands nombres qui veut que l’on constate une certaine uniformité dans la fréquence de tels et tels événements, lorsqu’on les envisage par grandes masses —. Et c’est ce qui leur permet, même lorsqu’ils cherchent dans ces opérations auxquelles ils se livrent une source de bénéfices, de donner l’assurance à un prix qui est avantageux pour leur clientèle.

L’assurance, dans l’ensemble de l’économie, représente une fonction de la plus haute utilité. Soit 1.000 individus possédant chacun une maison d’une valeur de 100.000 francs. Mettons que chaque année, de 1.000 maisons, il y en ait une qui brûle. Si nos individus ne sont pas assurés, chaque année l’un d’eux subira une perte de 100.000 francs. Imaginons maintenant qu’ils forment une société mutuelle d’assurance contre l’incendie. Il ne brûlera pas moins de maisons ; mais la perle annuelle de 100.000 francs sera supportée par la collectivité, elle se répartira entre tous les membres de celle-ci. Au lieu qu’un individu perde 100.000 francs, et les 999 autres rien du tout, il y aura 1.000 individus qui perdront chacun 100 francs. Et il résulte de la loi de la décroissance de l’utilité que ce n’est pas du tout la même chose.