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La banque allemande s’applique surtout à favoriser le développement industriel et commercial de l’Allemagne. En 1904, l’ensemble des litres, participations et commandites industrielles ou commerciales possédées par les banques allemandes s’élevait à 950 millions de marks. Pour les neuf plus grands établissements, le chiffre, à la lin de 1903, est de 812 millions de marks, cependant que les trois plus grandes banques françaises n’arrivent qu’à 143 millions de francs. À quoi donc nos banques emploient-elles leurs capitaux, et ces sommes énormes qui leur sont confiées ? Il est bien difficile de le savoir, étant donné le caractère mystérieux que conservent leurs opérations : mais il y a des raisons de croire que cet argent, pour une grande partie, est mis à la disposition des banques étrangères, allemandes, anglaises et américaines, lesquelles s’en servent précisément pour aider au développement de la production dans leurs pays respectifs.

Ajoutons qu’en fait d’émission de titres, les banques françaises s’occupent surtout de placer des fonds d’États, et que lorsqu’elles lancent des valeurs industrielles, celles-ci sont très souvent des valeurs étrangères. Les banques allemandes s’intéressent davantage aux valeurs industrielles, et les titres de ce genre qu’elles émettent sont pour la plus grande partie des litres d’entreprises allemandes (2).

Comment expliquer cette différence si grande — et de tant de conséquence au point de vue du développement économique des deux pays que nous mettons en parallèle — des banques françaises et des banques allemandes ? On peut invoquer ici les façons différentes dont celles-ci et celles-là ont étendu leurs affaires ; les grandes sociétés françaises, supplantant, comme nous l’avons vu, les banques locales au lieu de les absorber, n’ont pas avec les diverses régions de notre pays un contact assez étroit ; elles n’en connaissent pas les besoins et les ressources ; elles n’ont allai re à elles que pour drainer l’argent des capitalistes qui s’y trouvent.

Une explication pareille, toutefois, ne va pas au fond des choses. La cause la plus profonde des méthodes adoptées par nos banques est dans l’esprit des capitalistes français ; ceux-ci consentent à ne pas gagner beau coup — c’est ainsi qu’ils reçoivent 0,5 % d’intérêt pour les dépôts à vue, alors qu’en Allemagne on donne 2 et 3 % — pourvu qu’ils jouissent d’une sécurité complète — laquelle, d’ailleurs, n’est pas toujours une véritable sûreté — . Mais il faut incriminer aussi le petit nombre de financiers qui sans subir, en somme, aucun contrôle, dirigent nos grands établissements (1)


Ces chiffres, d’après Raffalovich (ibid.) et Depitre, ouv. cité. Depitre, pour le portefeuille-titres et les participations de nos trois grandes banques — en y ajou tant même, en ce qui concerne le Comptoir d’escompte, les rentes, etc. — indique un total de seulement 81,7 millions. (2)


On trouvera des renseignements sur les émissions en France et en Allemagne, pendant l’année 1905 et les années précédentes, dans Raffalovich, Le marché financier, 1905 1906, pp. 250 sqq., 421 sqq.