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introduit des vues originales et très pénétrantes dans plusieurs des questions théoriques de l’économique[1] ; Dupuit a traité d’une manière heureuse certains points du problème des prix[2] ; Gossen a le mérite d’avoir le premier formulé la théorie dite de l’utilité-limite, qui devait par la suite avoir une si grande fortune[3].

16. La période la plus récente. — Nous voici parvenus à la période tout à fait contemporaine de l’histoire de l’économique. Les nombreux auteurs qu’il convient ici de citer peuvent être classés en plusieurs manières. On peut les classer d’après les méthodes qu’ils emploient de préférence et le genre d’études auquel ils sont adonnés : c’est ainsi que l’on parle d’une école historique, d’une école mathématique, etc. On peut aussi s’attacher aux doctrines théoriques que les auteurs professent : il y a par exemple tout un groupe nombreux d’économistes qu’il convient de réunir ensemble, à cause de la place qu’ils donnent dans la science économique à la théorie de l’utilité-limite. Les tendances pratiques qui se révèlent dans l’œuvre des uns et des autres peuvent servir aussi à établir une classification ; il y aura ainsi des libéraux, des « socialistes de la chaire », des socialistes, etc.

Le plus simple, toutefois, est peut-être de passer en revue les différents pays et de noter la direction, ou les directions dominantes des études économiques dans chacun d’eux. L’économique, en raison de la complexité de son objet, en raison aussi des questions pratiques où elle nous engage, et qui touchent à tant d’intérêts divers, peut être abordée de bien des manières ; et il n’y aura rien d’étonnant si dans chaque pays les travaux économiques présentent des caractères particuliers.

Il est à remarquer, au reste, qu’il est plus aisé aujourd’hui de distinguer entre les économiques des différentes nations qu’il ne l’était au commencement du xixe siècle. Cela résulte en partie de ce que depuis un siècle le contenu de l’économique s’est considérablement enrichi, et par suite diversifié. Mais le fait s’explique aussi par le développement, au cours du xixe siècle, de l’esprit nationaliste dans plusieurs, tout au moins, des pays civilisés. Plus qu’il y a cent ans, ces pays tiennent à se distinguer, jusque dans l’ordre de la recherche scientifique, des pays voisins. Et l’on voit même — chose étrange et déplorable — des pays où, d’une manière systématique, beaucoup d’auteurs regardent comme méprisable la production des pays voisins, ou refusent d’en prendre connaissance.

  1. Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses (1838), Principes de la théorie des richesses (1863), Revue sommaire des doctrines économiques (1877).
  2. De la mesure de l’utilité des travaux publics (1844), De l’influence des péages sur l’utilité des voies de communication (1849) ; ces deux essais ont paru dans les Annales des Ponts et chaussées.
  3. Entwickelung der Gesetze des menschlichen Verkehrs, Brunswick, 1854.