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la concentration de l’industrie au sens étroit du mot[1]. Ce qui fait que l’industrie manufacturière, par exemple, se concentre, c’est, entre autres choses, que la grande entreprise manufacturière a la supériorité sur la petite au point de vue de l’outillage, qu’elle peut établir parmi son personnel une division du travail plus poussée, que les frais d’administration, etc. y sont réduits. Dans la banque, les grandes maisons n’ont pas sur les petites ces avantages : la banque, en effet, n’emploie guère d’outillage ; les besognes qu’on y exécute, à l’exception de quelques-unes, n’exigent pas une spécialisation des employés ; et pour ce qui est des frais d’administration, de correspondance, etc., ils sont plutôt plus élevés dans les grandes entreprises, du moins lorsque celles-ci se sont développées, comme c’est le cas en France, par la création de succursales. Mais la grande banque a cet avantage sur la petite que faisant un plus grand nombre d’opérations, les risques qu’elle court se compensent. Elle a cet avantage encore d’inspirer plus de confiance au public, en raison des capitaux qu’elle met en œuvre et de la surface qu’elle présente. Elle a des services d’information mieux organisés qui la renseignent sur la situation du marché, sur la valeur des opérations qu’on lui propose, qui lui permettent de connaître les bonnes occasions qui existent. Elle peut enfin faire des opérations considérables — par exemple en matière d’émission de titres — qui sont interdites aux établissements moins importants.

Ces banques qui, à cette heure, sont au premier rang des banques françaises sont montées par actions. Les sociétés de banque ont pris le pas sur les anciennes grandes banques, qui appartiennent à des individus ou à des familles. Celles-ci, en effet, répugnent à créer des succursales : ceux qui les dirigent tiennent à pouvoir surveiller tout ce qui se fait dans leurs entreprises. Et ces banquiers d’autre part, pour des raisons analogues, ne veulent avoir que de gros clients, tandis que les sociétés acceptant, recherchant même la clientèle des petits industriels, des petits commerçants, des petits capitalistes, arrivent par là, en fin de compte, à des chiffres d’affaires bien supérieurs. Quant aux banques de quartier des grandes villes, et aux banques des petites localités, nos grandes sociétés en ont fait disparaître un certain nombre, et en ont réduit beaucoup d’autres à une situation misérable.

Voici un tableau relatif aux affaires des principales banques françaises, y compris la Banque de France. Les chiffres de ce tableau — qui représentent des millions — établissent une comparaison de la situation de ces banques à la fin de l’année 1875 et vers la fin de 1907[2].

  1. Voir là-dessus Depitre, Le mouvement de concentration dans les banques allemandes, Paris, Rousseau, 1905, Introduction.
  2. D’après Raffalovich, Le marché financier, 1905-06, pp. 781-782, et le Temps du 6 janv. 1908.