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sont, bien entendu, les petits magasins qui pullulent ainsi ; et ils pullulent parce que le petit commerce offre à quantité de gens, sans qu’il y soit be soin de capitaux élevés, ni de connaissances techniques, la possibilité de se faire une existence plus honorable, d’après les idées reçues, plus indépendante et moins laborieuse. Mais le petit commerce ne peut vivre qu’à la condition de vendre beaucoup plus cher qu’il n’achète. En 1869, la différence entre les prix du gros et ceux du détail, à Paris, allait de 12 à 25 % pour le lait, le beurre et le fromage, de 20 à 25 % Pour les fruits et les légumes, et atteignait 60 % pour le thé. On calculait, un peu plus tard, qu’un petit détaillant parisien, avec un chiffre d’affaires annuel de 36.500 fr. était obligé pour vivre de prélever 41 % de gain sur ses prix de vente. Pour la seule boulangerie, on a estimé à 300 ou 400 millions l’excédent, en France, des sommes payées par les consommateurs sur celles qu’ils paieraient avec une organisation meilleure de la vente[1].

Le développement des grands magasins, à la vérité, a remédié dans une certaine mesure à l’état de choses dont nous venons de parler. Mais il n’est pas à attendre, nous le savons, que ces grands magasins supplantent complètement le petit commerce de détail. Et d’autre part pour ce qui est de la vente au détail, les producteurs, comme on dit, ne peuvent pas, bien souvent, l’organiser eux-mêmes ; ils ne peuvent pas porter leurs produits aux consommateurs ou les leur présenter. Ce seront donc les consommateurs qui s’associeront pour acheter aux producteurs, ou aux commerçants en gros, les marchandises qui leur sont nécessaires, et pour se les distribuer à eux-mêmes. Les syndicats agricoles et autres associations semblables rem plissent souvent la fonction du commerçant détaillant. Mais c’est surtout des sociétés coopératives de consommation qu’il y a lieu de parler ici.

191. Les sociétés coopératives de consommation. — L’histoire des sociétés coopératives de consommation n’est pas encore bien longue[2]. La fondation de la première de ces sociétés, celle des Pionniers de Rochdale, ne remonte pas plus loin que 1844, et elles n’ont commencé à devenir un peu nombreuses qu’à partir de 1880. Mais aujourd’hui, les sociétés coopératives de consommation ont pris une très grande importance, comme le montre le tableau suivant, relatif à l’état de la coopération de consommation en 1903[3].

  1. Cf. Lexis, article cité, notes 82 et 87, et Gide.
  2. Sur ces sociétés, lire Gide, Économie sociale, chap. 2, i, pp. 176 sqq., et Bourguin, Systèmes socialistes, chap. 14, i et iii, et Annexe VI, 1.
  3. D’après Gide, Économie sociale, 2e éd., p. 173.