Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ci-dessus concerne les actionnaires ou encore les obligataires des compagnies bien plus que la collectivité. Et pour ce qui est du premier fait, qui là où il existe représente pour la collectivité un dommage certainement très sérieux, il n’existe guère que lorsque plusieurs compagnies peuvent — comme il arrive en Angleterre ou aux États-Unis — construire des lignes traversant les mêmes régions. Il n’existe pas dans les pays — telle la France — où chaque compagnie a un réseau qui couvre une région distincte.

Les objections que l’on peut adresser d’une manière tout à fait générale à l’exploitation privée des chemins de fer se rapportent au caractère de monopole que cette exploitation a toujours plus ou moins. Dans les pays où les réseaux des compagnies sont séparés géographiquement, chaque compagnie a un monopole à peu près complet pour la région qu’elle dessert ; la concurrence n’existe guère avec les compagnies voisines que pour les localités qui se trouvent sur les frontières des réseaux. Même dans des pays comme l’Angleterre ou les États-Unis, chaque compagnie se trouve seule à desservir un nombre plus ou moins grand de localités. Et d’ailleurs la concurrence acharnée que les diverses compagnies se sont faite entre elles jusqu’à une époque très rapprochée de nous est en train d’être remplacée par un régime de monopole plus ou moins parfait, grâce à des coalitions qui se nouent un peu partout.

Maîtresses d’un monopole, les compagnies trouvent leur intérêt à élever leurs prix au-dessus de ce niveau qu’on peut appeler normal. Elles trouvent leur intérêt, encore, à faire des « discriminations » en faveur de tels ou tels de leurs clients. La première pratique a pour conséquence de rendre la circulation moins active, et par suite de restreindre la production. La deuxième modifiera ce qu’on peut appeler l’équilibre de la production, et elle aussi, en fin de compte, elle diminuera cette production. Pour comprendre combien ces effets du monopole des chemins de fer peuvent avoir de gravité, on n’a qu’à considérer l’importance que les transports par chemin de feront dans notre économie contemporaine.

On peut, il est vrai, remédier aux inconvénients que nous venons de dire en établissant un contrôle de l’État sur l’exploitation des chemins de fer, en interdisant aux compagnies d’appliquer aucun tarif que l’État n’ait préalablement homologué. Mais il est à craindre qu’on n’arrive point à autre chose, par là, qu’à limiter les dommages causés à la collectivité par l’intérêt particulier des compagnies.

La thèse de l’exploitation des chemins de fer par l’État, au reste, a fait dans ces derniers temps de grands progrès. Depuis l’année 1900, à laquelle se rapportent, dans notre tableau, les chiffres relatifs à l’exploitation privée et à l’exploitation publique des chemins de fer, la Suisse d’abord, l’Italie ensuite, puis encore le Japon et le Mexique ont étatisé leurs voies ferrées d’une manière totale ou partielle. En France, une des