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La question pratique la plus importante qui se pose à propos des chemins de fer est celle de leur exploitation par les États ou par des compagnies privées. Cette question a été résolue en fait, comme on peut le voir ci-dessus, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre : chacune d’ailleurs des deux grandes solutions entre lesquelles on a à choisir comporte des modalités qui peuvent varier en mille manières.

Contre l’exploitation des chemins de fer par l’État, ceux qui en sont les adversaires font valoir des objections qui s’adressent non pas spécialement à l’organisation du service des chemins de fer en service public, mais d’une façon générale à l’idée même de services productifs d’État. Nous aurons à parler plus tard de ces objections[1].

Les partisans de l’étatisation des chemins de fer, de leur côté, peuvent être des socialistes qui ne voient dans celle étatisation que la réalisation partielle d’un programme plus vaste. Mais il est aussi des arguments que l’on invoque en faveur de l’étatisation, et qui sont fondés sur les caractères particuliers de l’industrie des transports par chemins de fer. Négligeons les arguments d’ordre militaire, et aussi les arguments d’ordre politique — celui que l’on tire, par exemple, de la trop grande influence que peuvent prendre dans l’État des gens aussi puissants que les grands actionnaires, les administrateurs des compagnies — ; bornons-nous à indiquer les principaux des arguments économiques.

On a parlé bien des fois des inconvénients qui résultent, là où les trans ports par chemin de fer sont assurés par des compagnies, de la concurrence que ces compagnies se font. Pour mettre deux régions, deux villes on communication, deux ou même plusieurs lignes seront construites ; et comme la construction des chemins de fer est très coûteuse, il y aura là un gaspillage de richesses considérable. Puis quand les lignes seront en service, les compagnies, se disputant la clientèle, seront conduites à baisser leurs tarifs au-dessous de leurs frais véritables, jusqu’à ces prix qui correspondent aux seuls frais d’exploitation : et ce sera une cause de ruines. Aux États-Unis, en 1896, le dividende moyen donné par les compagnies de chemins de fer à leurs actionnaires était de 1,34 % seulement ; du capital-actions total de ces compagnies, 70,17% ne recevait aucun dividende, 5,06 % avait un dividende point supérieur à 4 %, 23,47 % touchait de 4 à 10 % de dividende, et 1,30 % avait un dividende de 10 % ou davantage ; du capital-obligations, 16,20 % ne touchait point d’intérêts[2].

Il convient de remarquer, à la vérité, que le deuxième des inconvénients

  1. Dans l’Appendice I.
  2. D’après le Handwörterbuch, article Aktiengesellschaften (Statistik, Vereinigte Staaten), au t. I, p. 253. On notera, toutefois, que le capital des compagnies, aux États-Unis, est très souvent « délayé ».