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voir impérieux pour tous de travailler à hâter cette marche nécessaire en avant. Il faut donc, entre autres choses, que chaque âge réalise plus d’égalité et de justice sociale, et jouisse de plus de bien-être matériel que les âges antérieurs : et pour travailler mieux à ce résultat, on sera amené à donner une attention soutenue à toutes les questions économiques.

14. Les prédécesseurs de Smith. — Nous avons dit que l’économique était née véritablement au xvie siècle. Il est permis, en effet, de ne pas attacher une grande importance aux quelques indications d’ordre économique que l’on trouve dans certains écrits de Xénophon ou dans la Politique d’Aristote, ni non plus aux discussions des scolastiques sur le « juste prix » et sur la légitimité de l’intérêt.

À partir du xvie siècle, les écrits économiques se multiplient, dans les pays du moins où le commerce avait pris un certain développement, en Italie, en Angleterre, en Hollande, en France. Ces écrits, pour la plupart, sont des monographies, qui se rapportent à un petit nombre de questions. Un grand nombre traitent du commerce, et particulièrement du commerce international ; c’est, à l’ordinaire, pour défendre la doctrine connue sous le nom de doctrine mercantile. On s’occupe aussi de la monnaie, et il parait sur les problèmes monétaires des études qui méritent d’être retenues, comme celle de Davanzati[1]. On s’occupe des impôts : tout le monde en France connaît les écrits inspirés à Boisguilbert et à Vauban, dans la fin du règne de Louis XIV, par le spectacle de la détresse du peuple de France[2]. La tentative si curieuse de Law pour rétablir les finances françaises par le moyen de la création d’un papier-monnaie donnait lieu à des discussions où plusieurs questions économiques étaient reprises et dans une certaine mesure renouvelées, et où la notion du crédit était l’objet, pour la première fois peut-être, d’une étude un peu approfondie[3].

On peut regarder comme les premiers précurseurs des grands auteurs de l’école classique — à raison de la diversité des recherches auxquelles ils se sont adonnés, à raison, aussi, de leurs théories et de leurs tendances — Petty, Cantillon et Hume. William Petty (1623-1687) a eu une vue claire des procédés de la méthode descriptive et statistique, et il a fait un emploi heureux de cette méthode, sans négliger de se servir en même temps de l’analyse et de la déduction. Il a émis sur le rôle des différents facteurs de la production, et sur d’autres points, des conceptions qu’aujourd’hui encore il y a profit à méditer[4]. Cantillon (mort en 1734), dans son Essai sur la

  1. Lezione délie monete (1588).
  2. Boisguilbert, Le détail de la France (1697), le Factum de la France (1707) ; Vauban, la Dîme royale (1707).
  3. Voir les écrits de Law, Melon, Dutot, dans la Collection Guillaumin.
  4. Il a paru à Paris, chez Giard et Brière, en 1905, une traduction française des Œuvres économiques de Petty (2 vol.).