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sité rigoureuse, tandis que les phénomènes qui appartiennent à l’autre seraient, dans une très grande mesure, contingents.

Toutefois, il n’en est pas tout à fait, sur ce point, de l’économique comme de telle autre étude, par exemple de la criminologie. On expliquera la fréquence des crimes, souvent, par le nombre plus ou moins grand des hommes méchants ou vicieux, et on croira pouvoir se dispenser de pousser plus loin l’investigation ; on y répugnera même peut-être, par crainte d’ébranler certaines croyances, comme la croyance à la responsabilité « morale », qui participent au respect dont les croyances morales proprement dites sont l’objet. Mais on acceptera, on concevra facilement l’idée d’une recherche scientifique des causes quand il s’agira des phénomènes économiques, parce qu’ici aucune croyance morale n’est engagée directement ou indirectement, parce que les phénomènes économiques peuvent être envisagés souvent sous un aspect entièrement objectif, enfin parce que ces phénomènes, considérés dans leur origine subjective, nous apparaissent comme étant à l’ordinaire des manifestations ou des résultats d’une activité volontaire et raisonnable, ce qui nous invite à leur chercher des causes, à les enchaîner ensemble selon des connexions nécessaires.

Mais que dire de mieux ? nous pouvons constater que l’économique s’est constituée alors que nul n’avait songé à appliquer d’une manière systématique aux faits sociaux, et à tout ce qui se rapporte à la vie psychique de l’homme, les conceptions et les méthodes de la physique. Ce sont plutôt ces progrès de l’économique qui ont contribué — concurremment avec d’autres causes — à faire naître la conception d’une sociologie, et d’un déterminisme du monde moral.

La raison principale de la constitution si tardive de l’économique, il faut la chercher sans doute dans l’histoire des faits économiques. Pour que les faits économiques puissent inspirer à des chercheurs l’idée d’une étude méthodique, il est nécessaire qu’ils présentent un certain degré de variété et de complexité, qu’ils ne procèdent pas tous d’une manière immédiate et par conséquent uniforme des désirs des hommes ; il est bon qu’ils forment un ensemble multiple et divers, et solidaire cependant. Or ce n’est que depuis peu de temps que ces caractères se sont accusés. Cet accroissement du commerce et des communications de toutes sortes qui a suivi, au xvie siècle, les grandes découvertes maritimes et la formation des États européens, a fait naître, on peut dire, l’économique. L’introduction du machinisme, l’apparition de la grande industrie, l’établissement de la liberté de l’industrie et du commerce, l’amélioration des moyens de transport à la fin du xviiie siècle et au commencement du xixe siècle ont provoqué les progrès récents de cette science.

À l’encontre de cette explication, on a fait valoir que l’économie de l’em-