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américains, aux droits de douane très élevés qui protègent l’industrie des États-Unis. Il faudrait se garder de dire que ce sont ces droits de douane qui ont fait naître les trusts : car ils n’expliquent nullement l’idée que, dans tant de branches de la production, les industriels américains ont eue de se coaliser. Il ne semble même pas que le maintien du tarif douanier existant soit pour la plupart des trusts des États-Unis une condition sine qua non de leur durée. N’y a-t-il pas des trusts nombreux et florissants en Angleterre, dans un pays libre-échangiste ? Mais il est certain que cette restriction que les droits de douane apportent à la concurrence étrangère augmente la liberté d’action des trusts, en ce qui concerne la fixation de leurs prix. Et l’on a signalé d’autres facteurs qui ont aidé certains trusts à traverser les difficultés du début, à éliminer des concurrents intraitables et à en contraindre d’autres à entrer en composition, bref, à s’implanter : par exemple, ces « discriminations » que les trusts en question ont obtenues, pour le transport de leurs produits, de certaines compagnies de chemins de fer.

153. Leur avenir. Leurs conséquences. — Les considérations qui viennent d’être exposées nous permettent d’émettre, avec quelque probabilité, un jugement sur l’avenir des coalitions d’entreprises. Ces coalitions ne représentent pas un phénomène passager ; elles ne sont pas destinées à disparaître avec les excès de la politique protectionniste, ou encore avec un changement dans les conceptions et les sentiments des producteurs qui viendrait on ne sait d’où. Elles sont quelque chose de stable, car elles résultent de conditions apparemment durables de l’économie. Elles s’étendront même, et peut-être beaucoup. Mais elles demeureront limitées à une certaine partie — d’ailleurs très importante — de la production. On a dit que les cartels et les trusts ne s’étaient point emparés jusqu’ici, et ne s’empareraient jamais de ces branches de la production où l’art jouait un rôle plus ou moins considérable, qu’ils ne pouvaient dominer que ces industries où l’on produit par grandes quantités un petit nombre d’articles. Il vaut mieux dire, simplement, que cette sphère de la production qui est destinée à s’organiser sous le régime du cartel ou du trust, c’est la sphère où la concentration est poussée très loin. Le cartel et le trust arriveront sans doute bientôt à la dominer tout entière, et leur domaine, dès lors, variera avec les progrès ou les régressions de la grande production[1].

Quels sont, maintenant, les effets de ces monopoles artificiels que les car-

  1. Dans certains cas exceptionnels, on peut concevoir qu’un cartel se fonde — pas un trust — qui engloberait un grand nombre de producteurs moyens ou même petits. On a projeté, pour remédier à la mévente des vins du Midi, de constituer une association des producteurs de vin du Midi qui organiserait la vente de ces vins au mieux des intérêts de ses membres (voir Gide, La crise du vin dans le Midi de la France, III, dans la Revue d’économie politique, 1907).