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Quand les producteurs emploient davantage de capital fixe, la concurrence peut les entraîner à baisser davantage les prix de leurs produits. Car l’avance du capital fixe une fois faite, les producteurs aimeront mieux vendre à un prix, quel qu’il soit, qui dépasse les frais d’exploitation que ne pas vendre. Pour enlever des clients à leurs concurrents, ils renonceront à l’intérêt des sommes que leurs capitaux fixes représentent : ils en viendront même — du moins d’une manière provisoire, pour traverser ce qu’ils peuvent considérer comme une crise passagère — à renoncer à amortir les capitaux fixes, ou à réduire cet amortissement à l’indispensable.

La concurrence est d’autant plus fâcheuse que la production est plus concentrée. D’autre part, la suppression de cette concurrence peut être opérée plus aisément. Elle peut être opérée plus aisément parce que le nombre des producteurs qui doivent se mettre d’accord est plus petit. Quand, pour approvisionner d’une certaine sorte de marchandises un pays, une région isolée des autres, au lieu d’une centaine d’établissements il n’y en a plus que dix, il est beaucoup plus facile pour les propriétaires de ces établissements de s’entendre. Et en outre, il y aura plus de chances pour que l’entente donne les résultats qu’on en attend. Supposons que, dans l’industrie considérée, la productivité maxima corresponde à une mise de fonds de 2 millions : il sera moins à craindre, pour nos entreprises coalisées, que quelque entreprise rivale ne se monte, que si la productivité maxima correspondait à une mise de fonds moindre. Or cette concentration de la production qui a réduit à 10 le nombre des entreprises concurrentes a eu sans doute pour cause principale le fait que cette échelle de production s’est élevée à laquelle correspond la productivité maxima.

En somme, d’une manière ou de l’autre, c’est toujours par le progrès de la concentration que s’explique la formation des cartels et des trusts — formation qui représente elle-même une nouvelle étape dans la voie de la concentration —. Mais la concentration, nous le savons, résulte entre autres choses de la facilité croissante des transports. Si l’on considère, dès lors, que la facilité plus grande des transports, c’est la concurrence devenant moins imparfaite, on arrivera à cette conclusion que l’établissement de ces grands monopoles que détiennent les cartels et les trusts procède de ce qu’on pourrait appeler l’élargissement, de ce qui constitue d’une certaine façon le progrès de la concurrence.

À côté, maintenant, des causes générales qui expliquent la multiplication récente des cartels et des trusts, il y a des circonstances qu’il faut mentionner comme ayant, dans bien des cas, favorisé la formation de ces cartels et de ces trusts, ou même comme leur permettant de durer. On a attribué, plus d’une fois une grande part, dans la constitution des trusts