Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/289

Cette page a été validée par deux contributeurs.

De quelque manière qu’il soit organisé, le cartel ne peut donner de bons résultats que si les entrepreneurs qui l’ont formé respectent scrupuleusement les engagements qu’ils ont souscrits ; et la tentation, cependant, sera souvent bien forte pour eux d’y manquer. Cet inconvénient est évité avec le trust. Celui-ci peut revêtir des formes quelque peu différentes ; tantôt la « corporation », c’est-à-dire la compagnie qu’est le trust, devient propriétaire, d’une manière complète, des établissements que possédaient ceux qui la constituent ; tantôt le trust n’est propriétaire que de la majorité des actions des établissements amalgamés. Mais toujours, en somme, le trust supprime l’individualité des entreprises, substitue en quelque sorte aux entreprises multiples qui se faisaient concurrence une entreprise nouvelle.

Les cartels sont nombreux et puissants surtout en Allemagne et en Autriche. On en comptait en Allemagne, en 1902, 300 environ, dont 80 dans le commerce, 80 dans l’industrie des métaux, etc. Pour la houille, le « syndicat » principal est celui des mines du Rhin et de la Westphalie, qui est organisé en comptoir de vente, et qui détient 87 % de la production houillère de la région, 51 % de celle de l’Allemagne entière. Le cartel de l’alcool, formé par une entente du syndicat des distillateurs et de celui des rectificateurs, « contrôle » 80 % de la production de l’alcool brut du pays, et 95 % de celle de l’alcool rectifié. Le cartel du sucre, analogue au précédent, s’étend sur 97 % de la production du pays.

Si l’Allemagne et l’Autriche sont les pays par excellence du cartel, il ne faudrait pas croire que cette sorte de coalition industrielle n’existe pas ailleurs. En France, nous avons le cartel de vente des salines de l’Est, fondé dès 1863, le Comptoir de Longwy, constitué en 1876 par les établissements métallurgiques du Nord-Est, les ententes — qui sont des sortes de cartels — des raffineurs de sucre, des raffineurs de pétrole, des sociétés d’assurances, des grands établissements de crédit sans doute aussi, et beaucoup d’autres encore. Les cartels sont nombreux également en Belgique[1], en Angleterre et aux États-Unis, où ils portent généralement le nom de pools, en Espagne, en Russie et ailleurs.

Pour ce qui est des trusts, c’est aux États-Unis surtout qu’ils se sont développés. Le recensement de 1900 en groupe dans un tableau 185 — dont 12 seulement antérieurs à 1890 —, englobant 2.040 établissements avec un capital total de plus de 3 milliards de dollars, 400.000 salariés — c’est 8,4 % des salariés de l’industrie —, et une production annuelle d’une valeur de 1.667 millions de dollars — soit 14,1 % de la valeur totale des produits industriels des États-Unis —. Parmi ces chiffres, il est

  1. Le livre de de Leener sur Les syndicats industriels en Belgique (Bruxelles, Misch, 2e éd., 1904) contient, dans sa 2e partie, un dénombrement des cartels belges, en même temps que des autres coalitions d’entreprises du même pays.