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permis, parce que, si l’activité économique des individus est conditionnée par des faits d’un ordre différent, il est possible cependant de découvrir entre les phénomènes qui manifestent cette activité, ou qui en résultent, des rapports de causalité. Et non seulement il sera permis d’isoler ainsi l’économique, mais il faudra le faire, puisqu’enfin l’abstraction est le procédé indispensable et essentiel de l’investigation scientifique.

L’économique peut être regardée comme une des parties de la sociologie. Elle en est la partie la plus importante sans doute. L’activité économique, telle que nous l’avons définie, est la principale des activités que l’homme dépense. C’est à gagner sa vie, c’est à s’enrichir que la plupart des hommes emploient le plus grand nombre des heures de la journée, c’est vers ces fins que la plupart de leurs pensées sont tendues : il en a toujours été ainsi dans presque tous les pays, et il en sera sans doute ainsi longtemps encore. Une activité économique intense et soutenue est nécessaire à la généralité des hommes pour vivre ; quand on est assuré de vivre, on veut bien vivre, à l’ordinaire : et cela nous impose des préoccupations, des efforts qui ne sont guère moins absorbants. C’est là le fondement de cette grande vérité que la doctrine du matérialisme historique a proclamée, et qu’il a eu seulement le tort d’outrer.

L’économique, d’autre part, est de toutes les parties de la sociologie celle qu’il est le plus facile, à de certains égards, de constituer. Premièrement, les facteurs psychologiques qui meuvent l’activité économique de l’homme, les conditions techniques et autres qui déterminent cette activité — facteurs et conditions d’où résulte tout l’ensemble des faits économiques — sont des données d’une très grande simplicité. Deuxièmement, ces facteurs psychologiques qui sont à l’origine de tous les faits économiques appartiennent pour la plupart à l’ordre de la conscience et de la raison : il est on ne peut plus aisé, par conséquent, de les connaître.

Les faits économiques présentent encore ce caractère, lorsqu’ils sont des faits sociaux, d’être plus sociaux, en un certain sens, que ceux dont s’occupent les autres parties de la sociologie. Les familles, dans un pays donné, s’organisent pour la plupart conformément à des règles qui sont inscrites dans les Codes, ou que les mœurs régnantes imposent aux individus ; mais une famille est constituée essentiellement par l’union d’un homme et d’une femme, par exemple, et cette famille, au point de vue « gamique », n’a point de relations avec les familles voisines. Dans l’ordre économique, au contraire, tous les faits particuliers s’enchaînent, ou sont susceptibles de s’enchaîner, de manière à former un système coextensif à la société entière.

12. Avec la morale. — Terminons par quelques indications sur les rapports de l’économique avec la morale.

Il est clair que l’économique, en tant qu’histoire et en tant que science,