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Les marxistes ont soutenu pendant assez longtemps que la production, dans toutes ses branches, allait se concentrant toujours davantage, et avec une vitesse toujours accélérée, que l’évolution économique tendait à réunir tous les moyens de production en un très petit nombre de mains ; ils se réjouissaient d’ailleurs de cette constatation : car la diminution continue du nombre des possédants, l’accroissement de celui des prolétaires rendaient chaque jour plus facile l’expropriation de ceux-là, et l’établissement du régime collectiviste.

Si la thèse de la concentration générale et progressive de la production est vraie, nous aurons à le voir bientôt. Ce qui apparaît tout de suite, c’est l’importance du problème pour lequel elle constitue une réponse. Ce problème a une très grande importance à ce point de vue qu’on appelle souvent social : la conclusion que les marxistes ont tirée de leur thèse en est une preuve ; et il est clair que la question de la concentration de la production a des rapports étroits avec des questions comme celles de la distribution de la richesse, ou des classes sociales. Et d’autre part, il apparaît tout de suite que la concentration de la production ne saurait manquer d’avoir de l’importance au point de vue de ce qu’on pourrait appeler la productivité de l’économie, en d’autres termes, au point de vue de l’abondance des richesses.

Voulant étudier la concentration de la production, comment la définirons-nous ?

Ce que l’on considère ici, ordinairement, c’est la concentration des entreprises. Mais on peut, également, considérer la concentration des exploitations. La première considération est plus instructive quand on est préoccupé des questions dites sociales. Dans ce cas d’ailleurs, ce qu’il importe d’observer, bien plutôt encore que la concentration des entreprises, c’est la concentration de la propriété, qui est quelque chose de différent — un même individu peut avoir plusieurs entreprises, et une entreprise, comme il arrive par exemple quand elle est montée par actions, peut appartenir à plusieurs individus —. Ici, c’est au point de vue de la productivité que nous voulons nous placer : et c’est, dès lors, de la concentration des exploitations que nous nous inquiéterons.

Nous devons ajouter, au reste, que le nombre des exploitations ne paraît pas devoir être beaucoup plus élevé que celui des entreprises. Le nombre est certainement assez grand des entreprises industrielles ou commerciales qui ont plusieurs établissements ; mais il est assez rare, quand une maison industrielle ou commerciale a plusieurs établissements, que ces établissements soient tout à fait indépendants les uns des autres au point de vue technique : or il faut qu’il en soit ainsi pour qu’on puisse parler d’une multiplicité d’exploitations. Et pour ce qui est des agriculteurs, on ne les verra guère cultiver plusieurs terres à la fois que lorsque ces terres se-