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Les entreprises coopératives ont été étudiées assez souvent, et généralement avec sympathie. Elles abolissent la distinction, et par conséquent l’antagonisme des classes sociales, elles unissent le capital et les différentes sortes de travaux requis dans la production, elles établissent un régime d’égalité, ou du moins atténuent considérablement l’inégalité des conditions. Malheureusement, elles se heurtent à des difficultés très grandes. Nous avons indiqué plus haut les principales : l’impossibilité pour les ouvriers — car ce sont eux qui gagnent le plus à l’organisation coopérative de l’entreprise, et ce sont eux en conséquence, le plus souvent, qui fondent les entreprises coopératives — de rassembler les capitaux nécessaires, le manque de discipline qui fait qu’ils n’acceptent pas avec assez de docilité l’autorité du camarade choisi par eux comme directeur, l’accord insuffisant des intérêts individuels et de l’intérêt collectif. Et lorsque l’entreprise, malgré tout, réussit à vivre et à prospérer, alors la tentation est grande pour ceux qui l’ont fondée, étendant leurs affaires, de traiter les travailleurs nouveaux qu’il leur faut s’adjoindre comme des salariés ordinaires, de devenir eux-mêmes des patrons — de ces patrons, comme il en est dans la petite industrie, qui travaillent de leurs mains à côté des ouvriers qu’ils occupent —.

Pour connaître l’extension du type coopératif de l’entreprise, adressons-nous aux statistiques. Elles ne nous renseigneront qu’imparfaitement. C’est qu’en effet on ne s’entend pas très bien sur la définition de l’entreprise coopérative : nous avons vu les confusions où l’on tombe souvent au sujet des coopératives de production. De plus l’étiquette coopérative, en raison de la faveur dont elle jouit, est prise souvent par des établissements qui n’ont rien ou presque rien de coopératif. Et il nous faut ajouter, encore, que là où l’on peut dire qu’on se trouve en présence d’entreprises coopératives, le type coopératif est rarement réalisé dans sa pureté parfaite : parmi les entreprises que tout le monde s’accordera à regarder comme des entreprises coopératives, il en est beaucoup où les bénéfices ne sont pas répartis entre les membres d’une manière rigoureusement égale, ou rigoureusement proportionnelle au travail fourni ; il en est beaucoup qui ont emprunté une partie de leur capital, et qui servent des dividendes à des actionnaires étrangers ; il en est beaucoup qui emploient, soit temporairement, soit constamment, des salariés qu’elles rémunèrent d’une façon ou de l’autre.

Contentons-nous des informations que nous pouvons nous procurer. Nous verrons qu’en Allemagne, aux États-Unis, en Belgique, en Suisse, le nombre des entreprises coopératives est insignifiant. Il semble y en avoir davantage en Russie et en Italie. En Angleterre, il y avait en 1902 130 véritables coopératives de production, vendant pour 29 millions de francs de produits : mais il importe de dire que dans ces coopératives les