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3. L’entreprise coopérative[1].


131. Définition. — Ce qui constitue essentiellement l’entreprise coopérative, c’est la participation de tous les travailleurs à la propriété et à la direction de l’affaire où ils travaillent. Il faut prendre garde de ne pas chercher cette entreprise coopérative là où elle n’est pas. Il n’y a pas lieu de regarder comme des entreprises coopératives — si l’on accepte pour le mot entreprise la signification que nous avons indiquée — les sociétés coopératives de consommation. Un certain nombre d’individus s’associent pour acheter en gros et se répartir entre eux le vin, le sucre, le pétrole qui leur sont nécessaires : il n’y a rien là qui constitue une entreprise, puisque nos individus ne vendent point de produits ; leur association re présente plutôt un effort pour rendre inutile certaine entreprise, celle de cet intermédiaire qu’est l’épicier. Si, comme il arrive, la société coopérative, en même temps qu’elle procure des marchandises à ses membres, vend à d’autres personnes, alors cette société, en tant qu’elle pratique cette vente, n’a rien de coopératif : c’est une entreprise de com mère » patronale, ne différant guère des sociétés par actions que par certaines particularités, comme la variabilité du capital. Les sociétés coopératives de consommation ne sont pas non plus des entreprises coopératives en tant qu’elles fabriquent ces denrées qu’elles livrent à leurs membres. Les coopératives de consommation de la Grande-Bretagne, en 1905, fabriquaient des articles divers pour une valeur de 125 millions ; et à ce chiffre il faut ajouter quelque 138 millions pour la production des deux Wholesales anglaise et écossaise[2]. Qu’est-ce à dire ? ces opérations, du point de vue spécial où nous sommes placés, sont de même nature que les opérations ordinaires des coopératives de consommation : après avoir cherché à éliminer le commerçant en détail, puis le commerçant en gros, celles-ci cherchent à éliminer le fabricant lui-même. Ici encore elles ne constituent pas des entreprises productives, puisque leur but n’est point de réaliser des bénéfices par la vente de leurs produits au public.

Les remarques que nous venons de faire au sujet des coopératives de consommation s’appliquent tout aussi bien aux sociétés d’assurance mutuelle. Le but de ces sociétés, en effet, c’est de dispenser ceux qui s’y inscrivent de s’adresser à des entreprises d’assurances, lesquelles établissent leurs primes de façon à avoir un bénéfice. Et il convient de parler de même

  1. Consulter Gide, Économie sociale, Paris, Larose, 3e éd., 1907, chap. 4, I, et Bourguin, Les systèmes socialistes et l’évolution économique, chap. 14 et Annexe 6.
  2. Cf. Gide, ouvrage cité, chap. 2, I, pp. 182-183.