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tant, même lorsqu’il a cessé d’être plus avantageux pour les consommateurs : et il en sera surtout ainsi dans les époques de civilisation relativement stationnaire, dans les sociétés où l’esprit conservateur, le misonéisme domine. D’autre part on conservera la production familiale, dans certains milieux, même lorsqu’il serait plus économique d’acheter ce dont on a besoin, par avarice, à cause de cette illusion si fréquente qui fait croire que l’on s’appauvrit chaque fois qu’on débourse de l’argent. Enfin on n’a pas toujours la possibilité d’adopter, pour se procurer tels ou tels biens, le mode qui serait le plus avantageux. Une ouvrière, par exemple, pourrait trouver son avantage à consacrer chaque jour un certain temps à des travaux de couture qu’elle ferait, pour elle et pour sa famille ; mais elle n’est pas libre de répartir son temps comme elle voudrait entre les travaux de l’atelier et les travaux domestiques : on ne l’emploie, à l’atelier, qu’à la condition qu’elle y passe la journée tout entière.

122. Les conséquences. — Il resterait, maintenant, à parler des effets qu’a pu avoir le développement si grand pris par la production mercantile. Nous avons déjà indiqué, en passant, comment ce développement avait été la condition des progrès de la production en général. Avec la production mercantile — en d’autres termes avec l’échange — chaque agent productif est employé à cette sorte de production dans laquelle il rapportera, ou dans laquelle il gagnera le plus : et si la production n’est point par là portée à son maximum, à cause de ces conflits de la « rentabilité » et de la « productivité » que nous étudierons plus tard[1], elle est portée du moins bien au delà de ce qu’elle peut être dans une économie purement naturelle. Les terres, par exemple, seront mieux utilisées ; les travailleurs pourront, selon la remarque si pénétrante de Gide, au lieu de régler leur travail sur leurs besoins, le régler sur leurs aptitudes[2]. Et d’autre part la production en grand sera rendue possible, qui est presque partout, comme l’on sait, très supérieure à la production forcément très restreinte de la famille.

À côté de ces conséquences de l’extension de la production mercantile, il en est d’autres qui ne sont pas moins considérables. La production mercantile, entraînant à sa suite la spécialisation des agents productifs, établit entre tous ces agents une solidarité qui sans cela n’existerait pas. Au lieu d’un nombre plus ou moins grand d’économies indépendantes, on a une économie générale dont toutes les parties se tiennent, directement ou indirectement. Quantité de phénomènes nouveaux apparaîtront ainsi, à savoir ces phénomènes que l’on étudie sous les rubriques de l’échange et de la distribution. Et des rapports réguliers s’établissant entre les individus, il ne s’agira plus seulement pour ceux-ci de produire,

  1. Dans l’Appendice I, section 1.
  2. Principes, liv. II, chap. 1, iv.