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tout de suite, c’est que ce développement de l’économie mercantile a été la condition de l’accroissement de la production. Mais est-ce répondre suffisamment à la question que nous posions, que de montrer les conséquences que devait avoir la substitution de la production pour l’échange à la production pour la consommation directe ? Il faut ici, semble-t-il, distinguer entre les commencements de la production mercantile, et sa généralisation ultérieure. S’agit-il de l’origine de ce mode de production ? Elle s’expliquera en partie, à coup sûr, par les avantages que certains individus auront trouvés à échanger les produits de leur industrie ; peut-être cependant est-il nécessaire de faire intervenir encore des causes d’une autre sorte, comme par exemple l’établissement par les rois, par les seigneurs, par les maîtres étrangers — dans le cas des colonies — d’impôts qu’il faut acquitter avec des biens déterminés, et la nécessité qui en résulte de vendre des produits. Mais la production mercantile une fois apparue, il semble bien que le ressort de l’intérêt individuel suffira pour en étendre le champ.

Comment se déterminent au juste les domaines respectifs de la production mercantile et de la production familiale ?

D’après Effertz[1], pour que la production mercantile prenne la place de la production familiale, il faut qu’elle soit supérieure techniquement à celle-ci ; mais cela ne suffit pas. Imaginons un bien qui, produit dans la famille, coûte une quantité de travail égale à , et qui, produit par un industriel quelconque, coûte une quantité égale à . Si 1 unité de travail est payée au travailleur un prix , le coût de notre bien, produit à la maison, sera égal à  ; mais acheté, il ne vaudra pas , il vaudra, c’est-à-dire davantage : et cela, parce que celui qui produit des biens pour les vendre entend réaliser un gain. La production mercantile ne se substituera donc à la production familiale qu’autant que la supériorité technique de celle-là atteindra un certain degré, qu’autant que l’on aura exactement

Effertz nous montre, après cela, comment sa formule permet de com prendre les fluctuations que l’on observe, parfois, dans l’importance relative des deux catégories économiques qui nous occupent. La technique de la production en gros et celle de la production familiale — laquelle est nécessairement une production sur une très petite échelle — vont se perfectionnant, dans notre époque, l’une et l’autre ; mais tantôt c’est l’une, tantôt c’est l’autre qui progresse le plus vite ; et en conséquence, sans que la production en gros perde sa supériorité technique, on peut voir,

  1. Voir les Antagonismes économiques, 2e partie, chap. 4, II, § 3, A, c.