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Ce qui subsiste chez nous, de nos jours, de l’ancienne économie naturelle, comme on l’appelle souvent — cette dénomination, à la vérité, n’est pas très heureuse —, il est difficile d’estimer d’une manière un peu précise quelle part cela représente dans la production générale. Il n’y a point, ici, de statistiques auxquelles on puisse recourir. On ne peut guère fonder une évaluation — qui sera nécessairement très imparfaite — que sur les observations auxquelles chacun a pu procéder.

Appliquons-nous, tout d’abord, à bien définir notre concept. Il n’y a pas économie naturelle quand un individu produit des biens qu’il emploie, ensuite, à produire d’autres biens destinés à être vendus. Un industriel, qui vend des marchandises d’une espèce a, fabrique des biens d’une espèce b, parce que ceux-ci lui servent à produire ceux-là : il n’y a rien là qui doive être regardé comme de l’économie naturelle. Il n’y a économie naturelle que lorsque l’on produit — ou que l’on travaille — pour sa propre consommation.

Il est à noter, toutefois, que la démarcation de l’économie naturelle et de l’économie mercantile n’est pas toujours aisée à établir. Il semble bien qu’il y ait lieu d’inscrire dans l’économie naturelle ces travaux que l’on fait exécuter par des domestiques. Sans doute le domestique est payé par son maître. Seulement il appartient à la maison : et c’est ce qu’exprime précisément le mot « domestique ». La femme de ménage qui vient tous les jours passer un certain nombre d’heures dans une maison parait de voir être assimilée au domestique : et la raison en est que cette femme de ménage, pendant les heures qu’elle donne, se met à la disposition de ceux qui l’emploient ; elle fournit des services dont la nature n’est pas déterminée à l’avance d’une manière parfaitement rigoureuse. Les services, au contraire, qu’un laveur de vitres — là où ce métier existe — ou qu’un frotteur fournissent rentrent dans l’économie mercantile. Et il en est de même pour les services que fournissent les employés de ces hôtels pour familles comme il en existe beaucoup aux États-Unis : car ces employés ne sont pas payés directement par les familles qu’ils servent.

Où donc, aujourd’hui, trouverons-nous des restes de l’ancienne économie naturelle ? Ce sera surtout chez les agriculteurs. Ceux-ci gardent assez souvent, pour le consommer eux-mêmes, une partie du blé qu’ils ont pro duit. Ils consomment encore des légumes, du lait, des œufs, de la viande de porc qu’ils tirent de leur exploitation. Mais dans les villes, et d’une manière générale chez tous ceux qui ne vivent pas de la terre, l’économie naturelle se réduit à l’ordinaire à la préparation des aliments, au raccommodage des vêtements, à l’entretien du logement et du mobilier.

121. Causes et conditions de son recul. — Il serait intéressant de rechercher comment l’économie mercantile s’est formée, et pourquoi elle a pris le développement que nous constatons aujourd’hui. Ce qui apparaît