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naire, où la même inspiration se retrouve. Avec cette législation, c’était une ère économique nouvelle, peut-on dire, qui commençait.

À la liberté de l’industrie on peut rattacher la liberté du commerce, qui a la même histoire, et qui ne représente même, si l’on veut, qu’une manifestation spéciale de celle-là. Par liberté du commerce nous entendons le droit qu’ont les producteurs, les particuliers en général, d’aller chercher des acheteurs pour les produits où il leur plaît, de faire circuler ces pro duits sans être entravés en rien, sans avoir à acquitter d’autres taxes que celles qui constitueraient le paiement de services véritables — qu’on pense, par exemple, aux tarifs du transport par chemin de fer — . La liberté du commerce, au reste, n’existe qu’à l’intérieur des États. Ceux-ci pour la plupart, soit pour des raisons fiscales, soit dans le dessein de protéger la production nationale, ont établi à leurs frontières des barrières qui gênent plus ou moins, et parfois qui empêchent la circulation des marchandises.

119. Remarque finale. — Les faits que nous venons de passer en revue, en somme, laissent subsister ce que nous disions en tête de cette section, à savoir que l’économie contemporaine, dans ses rapports avec le droit, apparaît comme essentiellement individualiste ; et ils nous montrent d’autre part que ce régime est essentiellement libéral. Ce sont les individus qui organisent, qui dirigent la production à leur gré. Les intérêts individuels, jouant librement, sont le moteur de l’énorme machine économique. Toutefois, il est à noter qu’un esprit nouveau inspire de plus en plus la législation. Un droit nouveau s’élabore ; une évolution des institutions se fait qui, avec une vitesse lente encore, mais chaque jour accélérée, parait devoir nous conduire à un régime très différent de ce régime purement individualiste et libéral dont, il y a un siècle, tout le monde ou à peu près était partisan.


II. — Le caractère mercantile de la production


120. Importance très réduite de l’économie « naturelle ». — La production contemporaine est, dans son ensemble, mercantile : ceci constitue sa deuxième grande caractéristique.

Toutes les sociétés ont passé, au cours de leur histoire, par un stade dans lequel chaque unité économique élémentaire produisait tout ce qui servait à satisfaire les besoins de ses membres, et où l’échange était inconnu ; beaucoup de sociétés n’ont pas dépassé ce stade, ou ne l’ont dépassé que très peu. Dans nos pays mêmes, le temps n’est pas si éloigné de nous où chaque famille — à la campagne tout au moins — produisait quantité de choses que l’on achète maintenant, où chaque famille fabriquait son pain, filait, tissait, cousait ce qui lui était nécessaire, etc.