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rées dans une grande mesure inefficaces : elles ont réussi surtout, pendant le temps qu’elles ont été en vigueur, à faire remplacer les prêts d’argent par des opérations équivalentes, comme la constitution de rente. Il n’empêche que ces prohibitions législatives, et le blâme que l’opinion attachait à l’opération du prêt à intérêt, ont été pendant très longtemps un obstacle au développement du crédit. Mais aujourd’hui les idées sont autres. Notre Code civil français admet le prêt à intérêt : et si la loi de 1807 a établi un maximum pour l’intérêt de l’argent, cette limitation a été abolie par la loi de 1886 en ce qui concerne les prêts commerciaux.

Il n’y a pas lieu de mettre parmi les particularités de notre droit moderne la reconnaissance qui y est faite de la légitimité du louage de service. La disparition de l’esclavage et du servage, les transformations de la technique productive, la division beaucoup mieux marquée aujourd’hui que jadis de la société en deux classes, celle des possédants et celle des prolétaires, tout cela a augmenté considérablement l’importance de cette sorte de contrat. Mais il est, cependant, très ancien. Ce qui serait particulier au droit contemporain les nations civilisées, si on le compare, surtout, au droit institué par la Révolution, c’est la réglementation législative, qui chaque jour se fait plus étroite, du contrat de travail. Et il faudrait indiquer encore cette évolution juridique qui a son origine dans la reconnaissance aux ouvriers du droit de former des associations professionnelles et des coalitions, et qui tend à substituer peu à peu au contrat individuel du travail le contrat collectif.

Mais voici de nouveau un principe juridique dont l’inscription dans notre législation est relativement récente : c’est le principe de la liberté de l’industrie ou de l’entreprise, en d’autres termes, la faculté qui est laissée aux individus — d’une manière générale tout au moins — d’entreprendre les productions qu’ils veulent, d’organiser ces productions à leur guise, sous le rapport des procédés techniques comme aussi sous le rapport de la qualité des produits, et de tarifer ces produits comme il leur plaît. On sait qu’au moyen âge la production, et particulièrement la production communément appelée industrielle, était soumise à une réglementation assez sévère : dans l’état alors à peu près stationnaire de l’économie, des préoccupations d’ordre moral, le souci des intérêts tant des producteurs que des consommateurs avaient conduit à l’établissement de cette réglementation. La politique des rois, pour des raisons en partie différentes, maintint et même aggrava ce régime. Mais quand les progrès de la technique, joints à d’autres causes, rendirent possible un développement rapide de la production, on vit les économistes exprimer les aspirations que ces progrès avaient créées dans toute la société et réclamer l’introduction d’un régime différent. Leur effort devait aboutir à la promulgation des fameux édits de Turgot, et de la législation révolution-