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2. Quelques autres déterminations juridiques de la production contemporaine.


117. Remarques complémentaires sur la propriété individuelle. — Ce n’est pas assez de savoir que notre droit reconnaît la propriété individuelle des moyens de production, et voit dans cette propriété individuelle la propriété type, celle dont les autres sont des imitations, ou par rapport à laquelle elles constituent des exceptions. Il faut, si l’on veut connaître l’essentiel des bases juridiques de notre économie, étudier un peu cette institution de la propriété individuelle ; il faut remarquer, en outre, certains principes inscrits dans nos Codes et qui sont particulièrement importants.

Pour ce qui est de la propriété, il y a lieu de considérer, tout d’abord, les différentes catégories de biens qui peuvent être objet d’appropriation.

À ce sujet, on notera qu’il est une certaine catégorie de biens que, jadis, on pouvait posséder, et qui, aujourd’hui, ne peuvent plus être appropriés — qui ne sont plus, aujourd’hui, des biens au sens économique du mot — : nous voulons parler des êtres humains. Le servage a été aboli, en France par la Révolution, en Russie en 1861. L’esclavage a disparu des colonies européennes et des États de l’Amérique pendant le cours du XIXe siècle.

Mais si l’on a cessé de pouvoir posséder des êtres humains, la propriété par ailleurs semble, d’une manière générale, évoluer dans le sens de l’appropriation d’un nombre toujours plus grand d’objets. L’appropriation de la terre par les individus, notamment, est, dans toutes les sociétés où on la rencontre, un fait plus ou moins récent : partout la terre paraît avoir été à l’origine propriété collective[1] : et c’est précisément pour cette raison — la terre ayant constitué pendant très longtemps presque toute la richesse des hommes — que nous rencontrons dans l’histoire tant de sociétés où la forme collective de la propriété est prédominante. Quant à la propriété dite intellectuelle, s’il est possible d’aller chercher ses origines dans les privilèges que nos anciens rois accordaient aux auteurs, il n’en est pas moins vrai qu’elle n’a été créée véritablement que par la Révolution : c’est celle-ci qui a donné aux écrivains, aux artistes, la propriété de leurs œuvres, aux inventeurs celle de leurs inventions. Et c’est

  1. Voir l’ouvrage célèbre de Laveleye, De la propriété et de ses formes primitives. Paris, Alcan, 4e éd., 1891.