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déjà, l’unité économique élémentaire, dans notre société moderne, c’est à l’ordinaire, non pas un individu, mais une famille : à l’homme s’adjoignent la femme et les enfants mineurs. Il est vrai que dans la famille ainsi constituée la volonté des enfants ne compte à peu près pas. En sorte que, si l’on néglige les dispositions du Code civil qui confèrent toute l’autorité au père et si l’on tient compte, plus que des textes, de la réalité des mœurs, c’est le couple de l’homme et de la femme qui possède et qui produit.

C’est sous la réserve de cette observation que nous pourrons continuer à parler de notre régime actuel comme d’un régime de propriété et de production individuelle, et que nous opposerons ce régime à d’autres régimes, non plus individualistes, mais communistes ou collectivistes.

115. La propriété collective dans le passé, et dans certaines sociétés contemporaines. — Quand on étudie l’histoire de la propriété[1], on constate que dans un très grand nombre de sociétés anciennes ou présentes les moyens de production ont été ou sont beaucoup moins que chez nous laissés aux individus. Parfois le régime de la propriété et de la production apparaît comme proprement communiste : nous entendons par là qu’une collectivité plus étendue que la famille moderne a la direction de la production, comme aussi de la répartition des produits entre ses membres. Ailleurs la collectivité a la propriété des moyens de production ; mais elle laisse aux individus le soin de mettre ces moyens productifs en valeur, elle leur en abandonne la jouissance d’une manière plus ou moins précaire, et moyennant telles ou telles conditions : dans de pareils cas on se trouve en présence d’une certaine sorte de collectivisme[2]. Le communisme et le collectivisme, au reste, se combinent parfois, ensemble ; et presque toujours ils laissent subsister pour la propriété et pour la production purement individualistes un champ dont l’étendue, au reste, varie dans de très grandes proportions.

Quelles sont donc ces collectivités que l’on voit, dans les sociétés qui nous occupent, dirigeant l’exploitation des moyens productifs — du moins d’une grande partie d’entre eux —, ou présidant en quelque manière à cette exploitation ?

Parfois, la collectivité qui possède est l’État. Dans le Pérou des Incas —

  1. Une première orientation, pour cette étude, pourra être cherchée dans le livre de Letourneau, L’évolution de la propriété, Paris, Vigot, 1889.
  2. Le collectivisme peut comporter aussi l’exploitation des moyens de production par la collectivité : ce qui le distinguera du communisme, alors, c’est que les individus, à la différence de ce qui se passe en régime communiste, seront déterminés par l’intérêt, non par la contrainte ou le dévouement au bien public, à contribuer à assurer la prospérité générale : ils seront rémunérés selon leurs œuvres, et non pas selon leurs besoins. C’est de cette deuxième manière que beaucoup de collectivistes, aujourd’hui, définissent le régime dont ils sont partisans.