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forme d’engrais chimiques ou autres, ces éléments qui lui ont été ravis ; mais on n’aura point toujours la possibilité de se procurer de tels engrais ; et dans ces conditions, ces progrès de la technique agricole sur lesquels on fonde tant d’espérances, si momentanément ils augmentent le rendement des terres, ne font — bien souvent du moins — que précipiter l’épuisement du sol.

112. Si la surpopulation est à craindre. — Que devons-nous penser de ces vues d’Effertz ? Il semble bien qu’il ait fait trop prochain le danger, pour l’humanité, de manquer de nourriture[1]. Il y a, sur notre planète, des étendues énormes qui ne sont pas encore cultivées, ou qui le sont d’une manière très imparfaite. Au total, l’humanité disposerait, d’après certaine évaluation[2], de 28,2 millions de milles carrés de terres fertiles, de 13,9 millions de milles carrés de steppes, sans compter quelque 4,1 millions de milles carrés de désert. Ces étendues, convenablement cultivées, pourraient fournir leur nourriture à 6 milliards d’hommes.

On arrivera à des chiffres beaucoup plus élevés encore si l’on substitue aux méthodes de culture actuellement employées des méthodes plus intensives. Dans l’île de Guernesey, avec des serres dont la construction revient à 14 francs environ le mètre carré, on obtient annuellement, par mètre carré, 1 à 2 kilogrammes de pommes de terre, 6 à 8 kilogrammes de tomates, et des fleurs par-dessus le marché pendant l’automne : c’est en s’appuyant sur ces données qu’Oppenheimer a prétendu que la terre pouvait nourrir jusqu’à 200 milliards d’habitants. Sans accepter son évaluation — de telles évaluations ne sauraient être qu’aventureuses —, on doit retenir l’indication que son raisonnement contient.

Pour ce qui est, maintenant, de cet épuisement des terres qu’Effertz redoute, tels procédés pourraient être adoptés qui l’empêcheraient. Et d’autre part, des faits se produiront sans doute qui permettront d’enrichir les terres : la découverte de gisements d’engrais chimiques, l’invention — vraisemblablement prochaine — de procédés pratiques pour la fixation de l’azote de l’air, etc.

Nous ne parlerons pas des progrès de la physiologie, qui, en déterminant d’une manière exacte les besoins de notre organisme, nous apprendront le moyen de nous nourrir avec une quantité moindre d’aliments. Et nous ne mentionnerons que pour mémoire le rêve de ces chimistes qui espèrent que leur science réussira un jour à fabriquer, avec les substances

  1. On trouvera une argumentation optimiste, accompagnée de références, chez Oppenheimer, Das Bevölkerungsgesetzt des T. R. Malthus und der neueren Nationalökonomie, Berlin, Edelheim, 1901 ; voir principalement le chap. 4, B.
  2. Celle de Ravenstein (voir les Proceedings of the Royal geographical society, 1891).