Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/209

Cette page a été validée par deux contributeurs.

oblige à poser la question de la transformabilité des productions. Nous disons la question de la transformabilité des productions, et non la question de la transformabilité des produits. C’est à la chimie qu’il appartient de nous enseigner s’il est ou non possible de tirer tel corps de tel autre. L’économique, elle, se préoccupe de savoir s’il est possible d’obtenir, en place de tel produit, tel produit d’une autre sorte, de substituer telle production à telle autre.

Sur cette question que nous soulevons ici, c’est Effertz qui a exposé les idées les plus suggestives. Nous allons donner de ces idées un aperçu sommaire.

111. Théorie d’Effertz. — D’après Effertz, les productions ne peuvent pas indifféremment être substituées les unes aux autres. Les biens de toutes sortes, dans notre économie, s’échangent les uns contre les autres : ils forment un vaste système, dans lequel chaque unité a sa valeur, ce qui veut dire qu’elle peut être mesurée en fonction de toutes les autres. De là naît une illusion à laquelle les économistes eux-mêmes ne cèdent que trop : l’illusion de croire que l’on pourrait remplacer la production d’une quantité de biens ayant au total une certaine valeur par la production de cette quantité de tels ou tels biens différents des premiers qui représente une valeur égale. Mais ce n’est là qu’une illusion, qu’il importe de dénoncer. En réalité, la transformation des productions les unes dans les autres rencontre toutes sortes d’obstacles.

On ne saurait entreprendre d’indiquer d’une manière exacte et complète quand et dans quelle mesure une production peut être remplacée par une autre. Effertz tient du moins à noter une limitation de la transformabilité des productions qui lui paraît particulièrement importante.

On peut, dit-il, distribuer les biens en deux grandes classes : ceux qui coûtent à produire beaucoup de terre — relativement — et ceux qui coûtent beaucoup de travail. Il sera possible de remplacer la production d’un bien dans le coût duquel le rapport de la terre au travail est grand par la production d’un bien de la même classe ; les productions de la deuxième classe, pareillement, pourront être substituées les unes aux autres. Mais on ne pourra point substituer à une production de la première classe une production de la deuxième. Ou plutôt on pourra opérer cette substitution ; mais on ne pourra l’opérer que dans des conditions de plus en plus désavantageuses, et à l’intérieur de certaines limites. Il est possible d’accroître les produits qui coûtent surtout de la terre en employant à la culture un nombre d’hommes plus grand ; mais l’accroissement de produit qu’on obtiendra par là ira diminuant de plus en plus, et un moment viendra où on ne gagnera plus rien absolument à multiplier les travailleurs de la terre ; à ce moment d’ailleurs la production agricole totale ne représentera qu’un multiple en somme point très élevé de ce qu’elle est aujourd’hui.