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de chercher une autre terre — le mieux serait qu’elle fût de 5 hectares — où il pourra dépenser ces 10.000 francs supplémentaires. On peut dire aussi bien, en renversant en quelque sorte le raisonnement : un cultivateur qui dispose de 20.000 francs pour entreprendre une exploitation agricole obtiendra le rendement le meilleur, relativement, s’il dépense ces 20.000 fr. sur une terre d’une étendue de 10 hectares ; il aurait un rendement moindre s’il faisait la même dépense sur 15 hectares ; si donc notre cultivateur est propriétaire de 15 hectares de terre, il lui conviendra, plutôt que de cultiver ces 15 hectares avec ses 20.000 francs, de chercher à se procurer une somme supplémentaire — de préférence 10.000 francs —.

On le voit, la loi des rendements décroissants est également vraie pour tous les moyens productifs quels qu’ils soient. Quelque moyen productif que l’on considère, lorsque ce moyen productif, comme il arrive presque toujours, doit être combiné, en vue de la production, avec tel ou tel autre, et peut être combiné selon des proportions diverses, il y a une certaine proportion qui porte le produit, relativement à la quantité du deuxième moyen productif employé, à son maximum[1].

107. Pourquoi elle ne l’a pas été. — On peut se demander, dès lors, pourquoi la généralité des économistes n’ont parlé des rendements décroissants qu’à propos de la terre, et spécialement de la terre cultivée. Il y a de cela, sans doute, plusieurs raisons.

1o Nous remarquions tantôt que si le cultivateur qui dispose de 10 hectares de terre et de 30.000 francs accroît la productivité de son argent en prenant 5 hectares de plus, le cultivateur qui dispose de 15 hectares de terre et de 20.000 francs accroîtra la productivité de sa terre, semblablement, en se procurant 10.000 francs de plus. Mais c’est un fait que le cultivateur loue des terres plus volontiers qu’il n’emprunte.

2o D’autre part, les terres, à la différence des capitaux — considérés au moment de leur formation — et des travailleurs, sont des immeubles ; elles constituent le support matériel de toute l’économie. On pourra donc dire proprement qu’on dépense du capital et du travail sur la terre, qu’on applique à la terre du capital et du travail, on ne dira pas qu’on applique de la terre à du capital ou à du travail. Et ainsi, s’occupant des combinaisons des moyens productifs, c’est à la terre de préférence qu’on rapportera tout, c’est elle que l’on prendra comme donnée fixe, tandis qu’on fera varier le capital et le travail.

  1. On a parlé ici de proportions définies (voir Valenti, ouvrage cité, § 61), et on a établi un rapprochement entre les combinaisons chimiques et ces combinaisons de moyens productifs dont nous nous occupons. Il faut remarquer à ce propos que les combinaisons chimiques ne peuvent se faire que selon des proportions définies ; pour les combinaisons dont nous traitons, il y a des proportions qui sont les plus productives : mais ces combinaisons peuvent se faire selon d’autres proportions.