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terre les entraîne, et cette illusion où l’on tombe aisément qu’avec plus de terre on doit avoir nécessairement plus de gain.

C’est la loi des rendements décroissants — puisqu’on l’appelle ainsi — qui explique que la terre soit recherchée et qu’elle donne une rente, qu’elle ait un prix. Sans elle, les cultivateurs pourraient intensifier leur culture indéfiniment, ils pourraient la concentrer sur un espace aussi exigu qu’on voudrait. Mais la loi des rendements décroissants fait, lorsqu’on a dépensé une certaine somme sur une superficie de terre donnée, qu’on a avantage, plutôt que de dépenser une somme nouvelle sur cette même terre, à chercher une autre terre. Disposant d’une terre de 10 hectares, nous supposons, un cultivateur a 30.000 francs à dépenser pour ses frais d’exploitation : or le rendement net s’accroît — relativement — jusqu’à ce qu’on arrive à 20.000 francs de dépenses ; il est alors de 6.000 francs. Si l’on voulait dépenser la somme entière des 30.000 francs sur la même terre, le rendement net ne serait augmenté que de 2.000 fr. Au contraire, dépensant sur une autre terre, de 5 hectares de superficie, les 10.000 francs pour lesquels la loi des rendements décroissants se vérifie, on pourra obtenir 3.000 francs de rendement net. Dans ces conditions, il serait évidemment de l’intérêt de notre cultivateur de pouvoir disposer des deux terres : et il consentira des sacrifices pour avoir la deuxième.

Il semblera, peut-être, qu’il y a une contradiction dans les considérations que nous venons d’exposer : tantôt nous disions que les cultivateurs — pour autant qu’ils dirigeaient bien leurs affaires — poussaient l’application du capital et du travail à la terre jusqu’à cette dose qui se retrouve exactement dans le produit ; et maintenant nous montrons qu’ils cherchent à étendre leur culture dès que leurs rendements, relativement aux dépenses d’exploitation, commencent à décroître. La contradiction n’est qu’apparente. Dans nos dernières remarques, nous avons isolé par l’abstraction une certaine somme, pour laquelle nous supposions qu’on cherchait le meilleur emploi ; et c’était afin de faire comprendre comment agissait la loi des rendements décroissants. Quand nous définissions au contraire la dose marginale des dépenses de culture, nous envisagions l’économie telle qu’elle nous est donnée dans l’expérience, avec les capitaux multiples — ne parlons que des capitaux pour simplifier — qui cherchent concurremment des emplois. Or les capitaux se distribuant dans les emplois les plus lucratifs, on descendra, cela est clair, jusqu’à ces emplois qui sont tout juste rémunérateurs.

106. Qu’elle peut être généralisée. — Voilà donc, exposée dans ses grandes lignes, la théorie des rendements décroissants de l’agriculture. Nous allons montrer que cette théorie n’est point applicable seulement à l’agriculture, et que ce qui a été dit ci-dessus de la terre cultivée est