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sont sans doute des biens directs pour ceux qui les lisent : ils n’en constituent pas moins un capital social, puisqu’ils pourraient être « consommés » sur l’heure — on pourrait les brûler pour se chauffer —, et que, ne les « consommant » pas, on assure à la collectivité une quantité d’utilités plus grande que celle qu’on en tirerait en les « consommant ». Ce qui fait que beaucoup d’auteurs n’ont pas voulu que les capitaux lucratifs fussent des capitaux sociaux, c’est que ces auteurs ont défini le capital d’une façon trop étroite. Ils n’ont admis au nombre des capitaux que les biens qui rapportent des revenus. Mais il convient d’entendre le capital d’une façon plus large. Ainsi les biens d’usage sont des capitaux par nature : un livre est un capital même pour celui qui le garde dans sa bibliothèque. Dès lors, il apparaîtra que les capitaux lucratifs — lorsqu’ils consistent en des biens d’usage — sont des capitaux par rapport à la société comme par rapport à l’individu qui les possède.

88. Comment il convient de les distinguer. — Comment donc distinguerons-nous les capitaux sociaux de ceux qui ne sont qu’individuels ? Nous regarderons comme des capitaux sociaux ces biens qui pourraient être « consommés » et qui, ne l’étant pas, doivent par là procurer à la société une plus grande quantité d’utilités. Et alors il apparaîtra que c’est de deux manières qu’un capital individuel peut ne pas être un capital social.

1° Un bien qui constitue un capital au point de vue individuel ne sera pas un capital social si, devant donner une plus-value à l’individu qui le possède, il ne doit pas en donner à la société.

2° Un bien qui est un capital pour l’individu qui le possède n’en sera pas un au regard de la société si, au regard de la société, il ne peut pas être l’objet d’une consommation destructive. C’est ainsi, par exemple, qu’une terre n’est point un capital pour la société, sauf peut-être dans la mesure où cette terre peut être épuisée par certaines méthodes de culture. Certaines améliorations de la terre que l’on réalise avec du travail ne sont pas non plus des capitaux pour la société.

La distinction des capitaux individuels et des capitaux sociaux étant établie de la sorte, on aperçoit sans peine comment il convient de classer, au point de vue qui nous occupe, les subsistances des ouvriers occupés à des productions capitalistiques. Ces subsistances représentent-elles un capital pour la société ? Certains économistes disent qu’oui, ils voient même en elles le seul capital de la société. Mais on peut leur répondre que les subsistances en question seront consommées tout aussi bien si l’on emploie la main-d’œuvre de nos ouvriers à des productions instantanées. Tout ce qu’il y a lieu d’en dire, dès lors, c’est qu’elles constituent une condition indispensable des productions capitalistiques. Il n’est possible d’entre prendre, en place de productions instantanées ou quasi instantanées, des