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marquer ici que tous les biens qui sont des capitaux pour la société sont en même temps des capitaux pour telles ou telles personnes, mais que l’inverse n’est pas vrai[1] —.

Comment convient-il de former les deux catégories des capitaux sociaux et des capitaux purement individuels ? En général on les identifie, respectivement, avec les deux catégories des capitaux qu’on appelle « productifs » et des capitaux qu’on appelle « lucratifs ». Une usine, par exemple, sera un capital « productif » : cette usine en effet sert à fabriquer telle ou telle marchandise. Quant aux capitaux « lucratifs », ce sont ces biens qui, rapportant à ceux qui les possèdent, sont cependant au point de vue social des biens directs. Les livres d’un cabinet de lecture constituent un capital « lucratif » : car si ces livres procurent des revenus à leur propriétaire, leur utilité pour ceux qui les lisent est une utilité directe.

Ajoutons qu’on assimile assez souvent aux capitaux « lucratifs » l’argent. L’argent n’est un bien direct pour personne, puisqu’il ne sert qu’à acquérir d’autres biens. Mais on ne saurait, dit-on, — du moins pour au tant qu’on ne considère pas globalement la totalité de l’argent en circulation — le regarder comme « productif ». L’argent qu’un individu possède n’est en quelque sorte qu’une créance qu’il a sur la richesse sociale : si notre individu n’avait pas cet argent, les biens qu’il en achètera seraient réclamés par d’autres ; Et sans doute l’argent joue un rôle très utile comme intermédiaire des échanges ; mais la quantité d’argent qui circule est socialement indifférente. L’argent en somme — encore une fois, si on considère ce que tel ou tel individu en délient — ne saurait constituer un capital social par la raison qu’il n’est pas, du point de vue social, un bien véritable.

On fait bien, certainement, d’exclure du capital social cet argent qui rapporte des revenus à ceux qui le possèdent. Il est exact en effet ou peu s’en faut, comme nous le verrons plus tard, que la quantité d’argent en circulation n’importe pas à la société : d’où il suit que l’argent employé d’une manière capitalistique par un individu ne saurait par lui-même, du point de vue social, donner une plus-value. Et il y a mieux à dire encore : c’est à savoir que l’argent ne saurait être regardé comme un capital, du point de vue social, parce que, de ce point de vue, il ne saurait être « consommé » — au sens étymologique du mot —.

Mais prenons maintenant les capitaux que l’on appelle lucratifs. Nous ne voyons pas qu’il faille les exclure de la catégorie des capitaux sociaux. Les livres du cabinet de lecture, pour revenir à l’exemple de tantôt,

  1. Les manufactures qu’un État possède, en tant qu’elles appartiennent à cet État, lequel est une personne morale, doivent être assimilées aux capitaux individuels ou privés. On prendra garde ici de ne pas se laisser tromper par l’équivoque que créent ces expressions, à la vérité peu heureuses.