Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signe pas une qualité unique, mais un ensemble extrêmement complexe de qualités.

L’intelligence, peut-on dire, complète le savoir. Elle est nécessaire, remarquons-le tout d’abord, pour l’acquisition de celui-ci. S’agit-il de vérités générales, scientifiques ou techniques ? Il faut de l’attention pour les assimiler ; il y faut un don de compréhension : on n’apprend véritablement que ce que l’on a compris ; et la mémoire est indispensable pour conserver ces connaissances. S’agit-il des connaissances particulières dont nous venons de parler ? Pour elles encore il faudra posséder la faculté d’attention, le don d’observation et de compréhension et la mémoire.

Mais l’intelligence est nécessaire aussi, le savoir une fois acquis, pour l’utilisation de ce savoir. Il faut ici de l’à-propos : il faut que le travailleur se rappelle, quand des difficultés se présentent, les connaissances générales et particulières qui sont requises pour la solution de ces difficultés. Il faut qu’il ait un esprit inventif et ingénieux. Et il faut aussi qu’il soit capable de raisonner juste.

L’intelligence — c’est-à-dire l’ensemble de ces qualités qu’on est convenu de désigner par ce nom — a un rôle à jouer dans tous les travaux. Mais ce rôle, comme il a été indiqué déjà, sera tantôt plus important, tantôt moins, soit d’une manière absolue, soit par rapport au rôle qu’auront à jouer d’autres facultés. Il sera particulièrement important, entre autres cas, dans le cas du travail de direction. Celui qui dirige une entreprise, surtout si les moyens productifs qu’il doit agencer sont nombreux et divers, est obligé perpétuellement de mettre en œuvre toutes les ressources de son esprit. Le succès ou l’insuccès, ici, dépendent de variations dans telle ou telle qualité intellectuelle du directeur qui peuvent être minimes. C’est l’intelligence qui organise. Et l’organisation, tout au moins dans les entre prises un peu complexes, est peut-être ce qui a la plus grande influence sur les résultats qu’on pourra obtenir[1].

Les dons de l’intelligence sont des qualités natives. Toutefois, il n’est pas impossible de les développer. Les conditions de l’existence d’une ma-

  1. Marshall (Principles, liv. IV, chap. 1, § i ; voir encore les chap. 8-12 ; trad. fr., t. I) fait de l’organisation une sorte de facteur de la production, lequel s’ajouterait, comme tel, au travail, à la nature et au capital. Sous la rubrique de l’organisation, il fait rentrer l’organisation de l’entreprise considérée isolément, l’organisation des diverses entreprises dans la même industrie, l’organisation des diverses industries considérées ensemble, l’organisation de l’État. Mais ce sont là des choses très différentes, et qu’il ne convient guère de réunir ensemble. L’organisation de l’État est quelque chose qui conditionne la production ; l’organisation des entreprises d’une même industrie ou des diverses industries envisagées dans leurs rapports est quelque chose — sauf dans le cas d’une entente entre les entrepreneurs — qui résulte des activités indépendantes des entrepreneurs. Pour ce qui est de l’organisation de l’entreprise isolée, elle est l’œuvre de l’intelligence, et fait partie du travail de direction.