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Au surplus, que l’on soit plus ou moins « généreux » dans ses dépenses, le reste de la vie économique n’en sera pour ainsi dire pas affecté. Celui-là qui donne volontiers quand il y est sollicité n’en cherchera pas moins à acheter le moins cher possible ce qu’il a à acheter, à gagner le plus d’argent possible dans ses affaires ; et parfois peut-être on sera incité à vouloir gagner de l’argent par le désir même qu’on a de pouvoir faire du bien.

3. La diversité des mobiles égoïstes.

58. Énumération de ces mobiles. — Les mobiles égoïstes sont certainement très divers. Indiquons les principaux d’entre eux.

1° Il y a tout d’abord l’instinct de conservation, comme on l’appelle : l’homme, avant tout, est préoccupé de vivre.

2° Une deuxième catégorie de mobiles égoïstes sera constituée par le désir du bien-être, l’ « instinct d’acquisition » dans le sens le plus étroit de l’expression, et l’amour de la propriété. Nous réunissons ces trois mobiles en un même groupe parce que les actes qu’ils produisent sont pareils, tout au moins dans une certaine partie des processus économiques où nous nous engageons. Tous trois nous poussent à acquérir des biens. Mais il y a lieu, cependant, de les distinguer avec soin. Le cas le plus fréquent, semble-t-il, est celui des gens qui cherchent à se procurer des biens pour les plaisirs que ces biens nous donnent, pour les peines qu’ils nous évitent quand on les considère dans ce qu’ils ont de spécifique ; et s’il s’agit de l’argent, on le recherche parce qu’il permet d’acheter toutes sortes de biens. Mais il y a des « convoiteux » dont le bonheur est de faire des gains, qui veulent acquérir pour acquérir. Et il y a — en plus grand nombre sans doute — des avares dont le bonheur est de posséder, de savoir qu’ils ont des biens à eux et rien qu’à eux[1].

3° Il convient de constituer une troisième catégorie avec le goût de l’action, celui de la création et celui du risque. Il y a des gens dont on dit qu’ils ont une grande activité à dépenser : on n’entend pas seulement par là qu’ils acceptent facilement d’avoir beaucoup à travailler ; on veut dire aussi, à l’ordinaire, qu’ils aiment à entreprendre des choses nouvelles, ou difficiles, qu’ils aiment à faire de grandes choses, que volontiers ils se chargent simultanément de tâches multiples. D’autres ont surtout plaisir à bâtir des ouvrages qui dureront, qu’il s’agisse d’ailleurs de maisons à cons-

  1. Voir La Fontaine, Le loup et le chasseur (Fables, VIII, 27).
    Il arrive que les « convoiteux » et les avares prennent plaisir d’une manière particulière à acquérir telle ou telle sorte de biens : la passion du paysan pour la terre est bien connue. De tels cas cependant demeurent bien distincts du cas de ceux qui recherchent les biens pour ce qu’on voudrait appeler leur utilité primaire.