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férence à la pratique de la limitation volontaire de la progéniture, pour empêcher le morcellement des fortunes.

On vit donc, communément, dans la famille. Or dans la famille chacun travaille, non point pour soi, mais pour le groupe entier ; et les biens acquis servent à tous, ou sont distribués en raison des besoins de chacun. Bref, la famille bien plutôt que l’individu doit être regardée comme l’unité économique élémentaire, si l’unité économique se définit par des intérêts qui soient effectivement séparés des autres intérêts.

On ne peut point s’en tenir, cependant, à ces observations tout à fait générales. Et tout d’abord il est nécessaire d’indiquer que l’organisation, par suite l’étendue de la famille, non seulement a varié beaucoup dans l’histoire, mais varie beaucoup aujourd’hui encore d’une région à l’autre. Sans aller même chercher ces formes d’organisation domestique qui sont quelque chose d’intermédiaire entre le clan et la famille proprement dite, et que l’on rencontre encore dans certains pays de l’Europe — telle la zadruga serbe —, il est deux types de familles qu’il y a lieu de distinguer, bien qu’il soit impossible, dans l’état actuel de la législation et des mœurs, d’établir une démarcation rigoureuse entre elles.

1° La première sorte de famille est la famille à la romaine, dans laquelle les enfants restent sous l’autorité du père, et n’ont point une économie indépendante, aussi longtemps que ce père vit. On la trouve partout dans des pays comme la Russie, et chez nous-mêmes, il est telles régions où on la rencontrerait encore assez fréquemment.

2° C’est l’autre type de famille, toutefois, qui domine dans les pays civilisés, et qui se généralise de plus en plus, en même temps que les caractères de cette famille moderne vont s’accentuant. Les enfants, dans cette organisation nouvelle de la famille, deviennent indépendants économiquement dès qu’ils se marient. On les voit même, quand les conditions du travail auquel ils se livrent les obligent à s’écarter de leurs parents, ou simplement quand il leur est aisé de le faire, comme il arrive dans les milieux industriels, commencer à vivre pour eux après le service militaire, voire dès qu’ils sont en état de se suffire. Et à partir de ce moment, les enfants n’ont plus aucun intérêt commun avec leurs parents. Même chez les ouvriers agricoles, on sait assez avec quelle difficulté les parents, devenus vieux, obtiennent de leurs enfants quelque secours pour subsister.

Une autre remarque qu’il y a lieu de faire, c’est que lorsqu’on parle, dans les ouvrages d’économique, de la famille comme de l’unité vers la prospérité de laquelle tous les efforts de l’homme, normalement, sont dirigés, on a une tendance à oublier comment cette famille s’est constituée, et à méconnaître la complexité des mobiles qui conduisent notre vie « gamique ». Il y a ici, au vrai, plusieurs moments successifs à distinguer.

1° Il faut, en premier lieu, considérer l’acte par lequel la famille est