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nomicus, l’homme réel, à la différence de celui-là, accomplit beaucoup d’actes déraisonnables.

4° L’homme réel est souvent victime de l’erreur ou de l’ignorance.

5° Enfin l’homme réel, même si l’on écarte l’action des causes mention nées aux deux numéros précédents, manifeste souvent une certaine insouciance à l’égard de son intérêt ; ses actes égoïstes eux-mêmes ne sont pas calculés comme sont ceux de l’homo oeconomicus.

Cette classification, qui rassemble simplement et ordonne les arguments des adversaires de la conception classique, n’est pas, au point de vue psychologique, très satisfaisante. Les fins impersonnelles sont confondues avec les fins altruistes. On confond encore avec celles-ci, ou on y rattache tout au moins le mobile moral — qu’il s’agisse ailleurs de moralité traditionnelle ou vulgaire ou qu’il s’agisse de moralité rationnelle —, alors que ce mobile, sous ses deux formes, est quelque chose de tout à fait autre. La division, en outre, des fins humaines en fins égoïstes et fins altruistes méconnaît cette grande vérité que la plupart de nos actions ne sont pas dirigées vers un but, mais qu’elles sont produites par une sorte de vis a tergo, ou plutôt que les deux modes de détermination se rencontrent simultané ment dans toutes nos actions, le second, dans la mesure où il est possible de les séparer, étant généralement le plus important. Nous négligerons, cependant, ces objections, ainsi que d’autres qu’on y pourrait ajouter, et nous nous en tiendrons à la classification ci-dessus, comme étant plus familière et plus commode que toute autre.

2. Les mobiles désintéressés.

56. L’altruisme dans la famille. — Au premier rang des mobiles altruistes, on place toujours ceux qui se rapportent à la vie de famille.

La famille est un groupement normal dans la plupart des sociétés humaines actuelles. Dans nos pays, par exemple, le cas est exceptionnel des enfants qui, ayant été abandonnés de leurs parents, ou encore ayant perdu ceux-ci et n’ayant point trouvé d’autre famille pour les recueillir, sont élevés par la collectivité. Ceux qui ont grandi au sein de la famille, quand ils s’en séparent, ne le font souvent que pour fonder une famille nouvelle ; du moins ne tardent-ils pas, à l’ordinaire, à se marier. La proportion des célibataires adultes est sans doute assez forte. Mais de ces célibataires, il en est à coup sûr une grande partie qui ne vivent pas indépendants ; et bien des fois l’on ne reste célibataire que pour se dévouer à un frère, à une sœur et à leurs enfants : dans certaines régions et dans certaines classes, le célibat d’une partie des enfants est une sorte de règle qui s’est établie, de pré-