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des généralités des prévisions relatives à des groupes moins vastes, ou à des unités, et ces prévisions seront nécessairement plus sûres. Pour reprendre un exemple donné plus haut, celui qui sur un champ de courses aurait à parier sur les dix chevaux partants d’une course, et qui ne les connaîtrait aucunement, ne pourrait qu’attribuer à chacun une chance sur dix ; tandis que celui qui saurait l’histoire de chaque cheval pourrait faire une estimation plus juste.

3o Écartons cette possibilité d’accroître notre savoir : quelles ressources nous reste-t-il ? Nous pouvons nous décharger du risque sur quelqu’un. Nous pouvons nous en décharger, en premier lieu, sur quelqu’un qui aura les mêmes bases d’appréciation que nous. Mais ceci — si nous laissons de côté certaine hypothèse qui sera examinée sous le no 4 — n’est possible, on le notera, que parce qu’il y a des hommes qui ne déterminent pas correctement leur intérêt, ou encore parce que les hommes ne sont pas tous dans la même situation de fortune. Dans une société composée exclusivement d’homines oeconomici, et se trouvant dans la même situation de fortune, on ne verrait pas, comme il arrive sous nos yeux, des individus ayant sur une compagnie exactement les mêmes informations, prendre les uns des obligations, qui donnent un revenu à peu près sur mais relativement bas, et les autres des actions, qui donnent un revenu plus élevé mais plus aléatoire.

Si nous supposons que tous les individus en présence réalisent le type idéal de l’homo oeconomicus, et soient dans la même situation de fortune, alors nous ne pourrons passer le risque défavorable à d’autres que s’il en est, parmi eux, qui voient ce risque moins défavorable que nous ne le voyons. Et ils pourront le voir moins défavorable soit parce qu’ils seront moins bien renseignés que nous, soit parce qu’ils seront mieux renseignés. Un porteur de titres, qui a de bonnes raisons de croire que ses titres vont baisser, s’empressera de vendre ces titres à d’autres qui n’en savent pas aussi long que lui. Un individu qui veut construire une maison, et qui redoute une hausse sur le prix des matériaux qu’il aura à employer, traitera tout de suite pour la fourniture de ces matériaux avec quelqu’un qui, mieux informé que lui, a confiance que cette hausse ne se produira pas.

4o Il y a un dernier moyen de se débarrasser des risques défavorables : c’est celui qui consiste à les consolider. Ce moyen ne peut pas être employé dans tous les cas. On ne peut l’employer que dans ces cas où la loi des grands nombres trouve à s’appliquer. Il ne saurait être question, par exemple, de consolider les risques que font courir aux producteurs de blé les variations subies, d’année en année, par le prix du blé : car le prix moyen du blé peut, dans la succession des périodes, tendre à descendre ou tendre à monter. Mais on peut consolider les risques qui se rapportent à l’incertitude de la date où chaque individu mourra. Et c’est là ce qui a donné naissance aux assurances.