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3. L’intérêt de l’individu devant le risque[1].

52. Le risque. — Il a été supposé jusqu’ici que ces données sur les quelles nous devons nous appuyer pour déterminer notre intérêt étaient connues parfaitement de nous, ou que du moins dans l’estimation de ces données, fût-elle fausse, aucun élément d’incertitude ne s’introduisait. Nous avons, en d’autres termes, éliminé complètement le risque. Il nous faut maintenant le prendre en considération.

Le risque, dans la vie économique comme dans les autres domaines où notre activité s’exerce, se rencontre partout. Tous les événements futurs sans exception sont incertains. Et tous, par conséquent, comportent un risque. Il y a même des risques qui se rapportent à des faits passés ou présents, et qui existent parce que ces faits ne sont pas encore connus de nous, ou du moins ne sont pas suffisamment connus. Le risque que l’on court à souscrire des actions d’une mine d’or, par exemple, naît avant tout de ce qu’on ne sait pas exactement la richesse de cette mine — il est vrai qu’on peut aussi, d’une certaine façon, rapporter un tel risque à l’avenir, en disant qu’il naît de ce qu’on ne sait pas ce qu’on trouvera d’or dans la mine quand on en entreprendra l’exploitation —.

Les risques peuvent être classés de manières diverses. On peut distinguer d’abord des risques inévitables et des risques évitables. Cette distinction, au reste, peut être entendue en deux façons.

On appelle ordinairement risques évitables ces risques qu’il nous est loisible de courir, ou de ne pas courir. Les risques évitables, dans ce cas, sont tels soit par rapport à un individu, qui peut s’en décharger sur un autre, soit par rapport à tous les hommes. Un cultivateur échappe aux risques que créent les fluctuations du prix des betteraves en vendant sa récolte par avance : il ne fait par là que passer ces risques à un autre. Les risques qui accompagnent les paris, au contraire, n’existent que parce qu’il y a des gens qui veulent bien engager des paris. Les spéculateurs cherchent à réaliser des gains en assumant les risques courus par d’autres, et qui sont évitables dans le sens qu’on vient de voir ; les joueurs sont ceux qui font naître des risques pour les courir.

On peut entendre aussi par risques évitables ceux qui sont tels qu’une étude plus attentive des faits, ou que les progrès de notre savoir peuvent les faire disparaître ; les risques inévitables, alors, seraient ceux qui résultent d’une ignorance invincible et nécessaire.

  1. Voir Haynes, Risk as an economic factor, Quarterly journal of economics, IX, et surtout Fisher, Capital and income, chap. 16.