Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps un équilibre de ces diverses consommations — considérées au point de vue de leur utilité — avec le travail — considéré au point de vue de sa disutilité — . Pour porter notre bien-être à son maximum dans une période de la durée regardée comme divisible, il faut, autant que possible, réaliser l’équilibre des consommations d’une part, du labeur de l’autre entre les fractions qu’on voudra distinguer dans cette période : il faut faire, en d’autres termes, que l'utilité marginale des consommations d’une part, la disutilité marginale du labeur de l'autre demeurent constantes dans toutes ces fractions ; et il faut réaliser en même temps — on conçoit sans peine comment cela se fera — l’équilibre des consommations et du labeur.

51. Quelques applications. — Pour simplifier les choses, laissons de côté le labeur, et occupons-nous seulement de la consommation. Pour la même raison, ne considérons dans les biens que leur utilité principale, négligeant les utilités — ou les disutilités — accessoires : le plaisir anticipal, les conséquences de la jouissance, les souvenirs. Écartons enfin toute incertitude au sujet de la durée de notre vie, de la perception des utilités futures, de la grandeur de ces utilités. Quelques applications de la règle indiquée ci-dessus nous aideront à la faire bien comprendre, et à en montrer la grande importance.

Il est certaines applications de notre règle sur lesquelles l’attention a été attirée il y a quelque temps déjà. Böhm-Bawerk a fait voir que les variations du rapport des besoins aux ressources jouaient un rôle dans la genèse du phénomène de l’intérêt[1]. Il convient, semble-t-il, d’analyser ce rapport, et de parler, d’une part de la variation des besoins, de l’autre de la variation des ressources.

Un individu dont les besoins doivent augmenter a avantage à épargner. Il a, supposons, 10.000 francs de revenu annuel. Si ses charges, pour une raison ou pour une autre, doivent s’accroître pendant l’année qui va venir, dépensant 10.000 francs cette année, et 10.000 francs l’année prochaine, l’utilité des derniers 1.000 francs dépensés sera cette année de 100, par exemple, et l’an prochain de 120. Épargnant, au contraire, 1.000 francs, de façon à dépenser 9.000 francs cette année, et 11.000 francs l’année prochaine, l’utilité des derniers 1.000 francs sera cette année de 110, et l’année prochaine de 110 aussi. Et ainsi, par cette épargne, la somme des utilités obtenues sera diminuée de 100 cette année, pour être augmentée de 110 l’an prochain. L’opération se solde par un bénéfice.

Soit maintenant un individu dont les besoins vont diminuer. Les derniers 1.000 francs représentent pour lui une utilité de 120 cette année, et ne représenteront plus qu’une utilité de 100 l’an prochain. Si cet individu dépensait 11.000 francs cette année, et 9.000 francs l’an prochain, ces uti-

  1. Positive Theorie des Capitales, liv. III, iii, pp. 262-266.