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achetés, la dernière petite somme dépensée représente la même utilité. Si par exemple l’utilité marginale de la nourriture achetée, ou de telle sorte de nourriture, peut, rapportée à une somme de 5 francs, être estimée à 10, il faudra que l’utilité marginale soit la même pour les vêtements achetés, les livres, etc.

La justification de cette règle apparaît d’elle-même. Soit un individu qui a 12 francs à dépenser dans la semaine pour ses plaisirs et qui a envie, d’un côté, d’aller au spectacle, de l’autre, de s’acheter des livres. Le spectacle coûte 3 francs ; chaque livre vaut le même prix. Or notre individu estime les utilités successives des représentations où il pourrait aller dans la semaine à 20, 6, 2, 6, et les utilités des livres qu’il pourrait acheter à 10, 6, 3, 2, etc. Dans ces conditions, son intérêt est d’aller au théâtre deux fois, et d’acheter deux livres : ce faisant, il obtiendra une somme d’utilités égale à 20 + 6 + 10 + 6, ou 42. S’il allait trois fois au théâtre et qu’il achetât un livre seulement, la somme serait réduite à 20 + 6 + 2 + 10, ou 38. S’il allait au théâtre une fois, et qu’il achetât trois livres, cette somme serait de 20 + 10 + 6 + 3, ou 39.

Les utilités marginales des biens acquis devront donc être égales. Toutefois, l’application rigoureuse de la règle ne sera pas toujours possible. Il y a des biens, nous le savons, qui ne sont pas indéfiniment divisibles : tel est le cas pour ceux que nous venons de citer en exemple. Et ainsi il pourra arriver que l’utilité marginale d’un bien — qui sera un bien indivisible — sort supérieure à l’utilité marginale d’autres biens — qui seront soit des biens divisibles, soit des biens indivisibles encore, mais moins chers que celui-là — . Quand avons-nous intérêt à acheter un cheval qui coûte 500 francs ? Lorsque, faisant cet achat, l’utilité marginale de ces 500 francs — ou leur utilité moyenne : c’est tout un ici — se trouve être au moins égale à l’utilité marginale que nous obtiendrions en achetant avec cette même somme des aliments, etc. Mais il se peut très bien, si nous nous décidons à acheter le cheval, que l’utilité marginale — ou moyenne — de la somme affectée à cet achat soit de 10, alors que l’utilité marginale — ou moyenne — de la somme employée à l’achat d’un bien indivisible moins cher sera de 8, et que l’utilité marginale de la somme employée à acheter des biens divisibles sera de 7. Car s’il fallait acheter un deuxième cheval, il nous en coûterait 500 francs encore — nous ne pouvons pas acheter une fraction de cheval —, et l’utilité marginale — ou moyenne — obtenue tomberait à 5.

2o Passons au labeur. S’il a à choisir entre plusieurs genres de travaux, et qui soient inégalement rémunérés, l’homo oeconomicus considérera, d’une part les inconvénients de chacun d’eux, d’autre part la rémunération qui y est attachée ; et il choisira entre tous celui pour lequel l’utilité de la rémunération excédera le plus la « disutilité » du labeur. Et peut-être aussi