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souffre quand on travaille : mais c’est un élément tout à fait secondaire, que l’accoutumance, à l’ordinaire, réduit à presque rien.

De ce sentiment d’anxiété et de ce souci des responsabilités dont nous avons parlé, on peut dire, en un certain sens, qu’ils varient selon une raison plus faible que celle de la durée du travail : car il s’agit ici de maux qui nous obsèdent — quoique sans doute à un moindre degré — même quand le travail est interrompu. Mais ici encore nous avons affaire à des maux qui sont secondaires, tout au moins si on les rapporte à l’ensemble des travaux des hommes.

Les inconvénients du travail pour la santé, les souffrances qui résultent de la subordination et de la privation de liberté augmentent, en général, plus vite que la durée du travail. Quand, par exemple, le travail cause une intoxication de l’organisme, cette intoxication, dans bien des cas, sera éliminée quotidiennement d’une manière complète ou à peu près si le repos quotidien a une certaine longueur, et elle s’éliminera d’une manière beaucoup plus imparfaite si ce repos est plus court, ne fût-ce peut-être que de très peu de temps. Qui doutera, de même, que l’ennui d’un travail monotone fasse plus que doubler si à ce travail il nous faut consacrer dix heures par jour au lieu de cinq ?

Il en va de même pour le danger du travail. Non pas que les causes extérieures des accidents se multiplient quand la journée de travail s’allonge : ces causes — si l’on néglige les variations qui peuvent résulter ici de l’intensité plus ou moins grande de la lumière aux différentes heures du jour — sont indépendantes d’un pareil facteur. Mais la journée de travail s’allongeant, la fatigue s’accumule, l’attention faiblit, et le travailleur se trouve beaucoup plus exposé[1].

Pour ce qui est de la fatigue, on est en droit de dire qu’elle ne commence pas, sauf de rares exceptions, avec la journée de travail. Ou plutôt, tout au début de cette journée il y aura, à l’ordinaire, un peu de peine pour le travailleur : c’est la peine qui accompagne la mise en train. Ce court moment passé, il y a une période plus ou moins longue pendant laquelle le travail est agréable : car l’homme a plaisir, dans de certaines limites, à dépenser son activité. La fatigue vient ensuite — ou plutôt revient — ; elle croîtra d’abord lentement, puis de plus en plus vite : et l’on sait qu’il est des bornes, sous le rapport qui nous occupe, qu’il est absolument impossible de franchir.

Il y a lieu, sans doute, de regarder la privation de loisir — à laquelle nous joignons ici la privation de liberté — comme le plus grand des sacrifices que le travail implique. Il en est du moins ainsi aujourd’hui. La durée

  1. Cf. sur ce point les articles d’Imbert dans la Revue scientifique (24 sept. 1904 et 21 oct. 1905).