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5 mètres, fait deux fois plus de besogne que celui-ci. Et on peut considérer aussi la valeur créée : c’est du produit du travail qu’il conviendra alors de parler.

3° Le troisième aspect du travail sera l’aspect subjectif. Il y a lieu de considérer, dans le travail, la peine qu’il nous cause. Ici le mot le plus précis, et par conséquent le meilleur, est le mot labeur[1].

Le travail proprement dit, la besogne, le produit, le labeur sont choses très différentes. Il arrive cependant perpétuellement qu’on les confonde. On les confond surtout quand on parle de l’intensité du travail. L’intensité du travail, c’est le travail mesuré, et rapporté à l’unité de temps. Mais comment détermine-t-on l’intensité du travail, en d’autres termes, comment mesure-t-on celui-ci ? Parfois on s’attache à la quantité d’énergie que le travailleur a dépensée ; on le fait du moins quand il s’agit d’un travail musculaire. D’autres fois on détermine l’intensité du travail par la quantité de besogne abattue : ce mode de détermination n’est point identique au précédent, car il est possible, par un meilleur emploi de ses forces, grâce à une habileté plus grande, de faire plus sans dépenser davantage d’énergie. D’autres fois enfin, on entendra par intensité du travail la fatigue plus ou moins grande que le travailleur se sera imposée, fatigue qui, elle non plus, n’est pas exactement en proportion de l’énergie dépensée.

C’est du point de vue subjectif que nous voulons considérer ici le travail : c’est du labeur seul, autrement dit, que nous avons à nous occuper.

46. Les éléments du labeur. — Les éléments du labeur, les raisons, en d’autres termes, pour lesquelles il nous en coûte — souvent du moins — de travailler, sont multiples.

Celui des éléments du labeur sur lequel l’attention s’est portée le plus, c’est la fatigue qui accompagne le travail, tout au moins dans certaines conditions ou après un certain temps. On distingue communément la fatigue corporelle, ou plutôt les fatigues corporelles — car il y a autant de sortes de fatigues du corps qu’il y a de sortes de travaux corporels — et la fatigue intellectuelle. S’il est possible d’assimiler ces diverses espèces de fatigues, dans quelle mesure cela est possible, il appartient à la physiologie de le voir. Ce qu’il y a lieu de noter ici, c’est que la fatigue n’est pas toujours une peine. On a remarqué bien souvent que dans ses jeux, l’homme s’impose des fatigues supérieures, parfois, à celles que cause le travail même le plus dur ; on a remarqué que le déploiement de nos énergies physiques, dans certaines conditions et dans certaines limites, était un plaisir pour nous. Il faut bien voir la portée de ces remarques. Elles ne prouvent pas que la fatigue, dans le jeu, ne soit jamais une peine : l’alpiniste qui

  1. Le français est plus favorisé, sur ce point, que l’anglais. Le mot anglais « labor », en effet, désigne notre labeur, et il désigne aussi notre travail, au sens qui vient d’être indiqué sous le n° 1.