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III — Le labeur[1].

45. Travail et labeur. — L’homme, à l’ordinaire, n’acquiert les biens qu’il désire qu’en s’imposant des sacrifices. Ces sacrifices consistent très souvent à abandonner, en échange des biens qu’on veut se procurer, d’autres biens, ou à renoncer à acquérir ceux-ci. Si l’on néglige ce mode d’acquisition, on concevra sans doute que les sacrifices consentis puissent consister à subir tels ou tels ennuis qu’on pourrait, autrement, s’éviter : qu’on pense, par exemple, à l’individu qui accepte de vivre avec un parent désagréable par peur d’être déshérité par lui. Mais presque toujours l’acquisition des biens aura pour condition l’accomplissement d’un travail.

Qu’est-ce donc que le travail ? Le travail au sens large du mot, c’est cette activité que l’homme déploie quand il y est forcé par la contrainte, ou poussé par l’intérêt : l’esclave fournit du travail à son maître ; l’ouvrier travaille pour gagner sa vie. On sait, au reste, que la démarcation entre l’activité intéressée et l’activité désintéressée ne saurait être tracée d’une manière rigoureuse ; il est malaisé, bien souvent, de séparer le professionnel de l’amateur. D’un peintre qui peint des toiles pour les vendre on dira qu’il travaille ; celui-là, au contraire, ne travaille pas — du moins dans le mi sens du mot — qui peint uniquement pour se distraire ; mais que dire de celui qui, n’ayant point le dessein de vendre ses tableaux, poursuit ce pendant un but autre que l’amusement, qui ambitionne, par exemple, d’obtenir des récompenses dans les expositions ? Et la même difficulté de séparer le travail du jeu — puisque c’est ce dernier mot qui mieux que tout autre peut servir à nommer l’activité désintéressée — se retrouvera à propos des sports, et de bien d’autres occupations.

Le travail peut être envisagé sous plusieurs aspects, qu’il y a lieu de distinguer avec soin.

1° On peut considérer dans le travail les actes qui le manifestent. Le travail du forgeron, par exemple, c’est de forger, le travail du peintre, de peindre, celui du professeur, d’enseigner, etc. On parlera, ici, du travail dans le sens étroit du mot.

2° On peut envisager le travail sous le rapport des résultats obtenus[2]. Ces résultats, d’ailleurs, peuvent être envisagés eux-mêmes à deux points de vue. On peut considérer en eux la quantité : dans ce cas, il sera bon de servir, plutôt que du mot « travail », du mot « besogne » ; un terrassier qui déblaie 10 mètres de terre pendant qu’un autre n’en déblaie que

  1. Voir H. Stanley Jevons, Essays on economics, IV. Voir encore Nitti, Il lavoro, dans la Riforma sociale, t. IV.
  2. Les Anglais emploient ici le mot « work ».