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l’avoir de l’individu à qui ce bien appartient. La courbe de l’utilité des biens, avons-nous dit, sera à l’ordinaire une courbe descendante. Mais la forme de cette courbe descendante pourra varier en mille manières, et cela pour deux raisons.

1o La forme de la courbe de l’utilité dépend d’abord des goûts de l’individu dont on s’occupe : que l’on imagine, par exemple, les courbes de l’utilité du tabac pour deux hommes dont l’un est un grand fumeur et dont l’autre fume modérément.

2o La courbe de l’utilité dépend encore, et surtout, de la nature des biens.

On peut faire, à propos de ce deuxième point, plusieurs remarques.

1o La courbe de l’utilité présente telle forme ou telle autre selon le nombre des besoins divers que le bien considéré satisfait. Elle tombera moins vite au zéro, toutes choses égales d’ailleurs, si ce bien satisfait plusieurs besoins que s’il n’en satisfait qu’un seul.

2o La courbe de l’utilité descend plus vite pour les biens périssables que pour les biens durables : ceux-là en effet doivent être consommés dans le peu de temps qu’ils subsistent ; et l’on sait qu’il n’est nullement indifférent, par exemple, de manger une certaine quantité de nourriture dans une année ou de la manger en un jour.

3o Pour autant que l’on considère des biens durables, la courbe de l’utilité descendra moins vite, en général, si les biens servent à satisfaire des besoins continus et périodiques que s’ils servent à satisfaire des besoins irréguliers.

4o La courbe de l’utilité des biens de première nécessité a une chute très rapide : il nous faut absolument une certaine quantité de nourriture ; mais aussi la satiété, en fait de nourriture, est atteinte relativement vite. La courbe des autres biens, souvent, est toute différente. Il y a des biens — ceux que nous recherchons pour la satisfaction de notre vanité, par exemple — dont l’utilité, comme on a vu plus haut, se proportionne ou à peu près à la quantité qu’on en a.

5o La courbe de l’utilité, à l’ordinaire, tombe plus vite pour les biens que la consommation détruit instantanément que pour les biens d’usage.

Indiquons enfin — la deuxième, d’ailleurs, des observations précédentes a son fondement dans cette remarque — que la courbe de l’utilité des biens varie selon la manière dont cette utilité est perçue. Il y a des biens dont nous ne pouvons consommer qu’une certaine quantité. La capacité de notre estomac limite la quantité de nourriture que nous pouvons absorber. Il y a beaucoup de biens dont nous ne saurions percevoir l’utilité sans une dépense de forces ou de temps : pour ceux-là, normalement, la courbe de l’utilité descendra plus rapidement que pour ceux qu’il nous suffit par exemple de regarder.