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25. Il me reste a parler d’une dernière cause de la rareté du capital. Cette cause, c’est la dépréciation systématique que nous faisons subir aux biens futurs[1].

Nous préférons les biens présents aux biens futurs, les biens prochains aux biens éloignés. Le fait s’offrira à nous comme un fait très fréquent et comme : un fait dont le contraire ne se rencontre jamais, si dans les biens nous considérons non pas la matérialité, la quantité, ni non plus la valeur objective, le prix, mais l’utilité que ces biens offrent pour nous,

    fâcheuse, ces variations du même rapport qui rendent également la capitalisation fâcheuse, mais qui résultent de la capitalisation elle-même.
    Celui qui a le mieux parlé de ce que j’appellerai le coût subjectif de la capitalisation est Carver (The place of abstinence in the theory of interest, Quarterly journal of economics, VIII, oct. 1893). Ma théorie était construite, mon livre écrit avant que je ne connasse son travail : j’ai trouvé dans ce travail des idées en parfaite concordance avec les miennes. J’engage vivement le lecteur à s’y reporter ; il y trouvera une exposition d’une netteté remarquable, illustrée de figures excellentes ; il sera frappé surtout de la pénétration dont l’auteur fait preuve. L’article de Carver est une des toutes meilleures parmi les contributions à l’étude du problème de l’intérêt, — Bôhm-Bawerk a parlé de cet article, et il l’a critiqué d’une façon étrange (Capital und Capitalzins, I, Geschichte und Kritik der Capitalzinstheorien, 2e éd., lnnsbruck, 1900, pp. 643-646). Il reproche à Carver de voir une cause de l’intérêt dans ce qui ne serait qu’un effet de l’intérêt. C’est parce qu’il y a intérêt, fait-il, qu’on dote le futur au détriment du présent, et qu’on rompt au profit du futur l’équilibre de la consommation ; et tout au plus peut-on dire que cette conséquence de l’intérêt a sur le taux de celui-ci une action en retour. Le reproche, ai-je dit, est étrange. Il est trop clair en effet que si le capital rapporte des intérêts, c’est que, pour de certaines raisons que nous aurons à chercher, il trouve des emplois lucratifs ; mais c’est aussi parce qu’il est rare, parce qu’une partie des capitaux sollicités par des emplois lucratifs ne peuvent s’employer qu’à la condition de rapporter des intérêts. Il y a ici, non pas une cause et une conséquence de l’intérêt, mais deux causes concourantes, point du tout du même ordre à vrai dire, qui toutes deux sont nécessaires pour produire l’intérêt. Une fois de plus je répéterai que la théorie de l’intérêt est double. Carver l’a abordée d’un certain côté ; il l’a fait volontairement, et sans prétendre à expliquer l’intérêt d’une manière complète.

  1. On peut consulter, sur cette dépréciation des biens futurs, Böhm-Bawerk ; c’est lui qui a mis le fait en lumière (voir II, pp. 266-273).