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est nécessaire pour entretenir les producteurs jusqu’à ce que le produit soit vendu aux consommateurs à qui il est destiné »[1]. Jevons de même prétend que le vrai rôle du capital est « de faire subsister les travailleurs pendant le travail où ils sont engagés » ; pour lui les subsistances des ouvriers constituent le seul capital : « le capital, ce n’est pas le chemin de fer, mais la nourriture de ceux qui construisent ce chemin de fer »[2].

Cette conception, ai-je dit, est beaucoup trop étroite. Sans doute il est clair que, pour entreprendre une production dont le processus ne s’achèvera qu’au bout d’un certain temps, il faut pouvoir, pendant la durée de ce processus, assurer l’entretien des ouvriers qui y seront occupés. Mais cela suffit-il ? les avances du capitaliste sont-elles représentées uniquement par les salaires qu’il devra payer à ses ouvriers ? ne lui faut-il pas en outre faire l’avance d’une certaine quantité de matières premières ? dès lors, de quel droit refuser à celles-ci le nom de capitaux[3] ?

De la conception que Lassalle et Jevons se sont faite du capital on peut jusqu’à un certain point rap-

  1. Herr Bastiat-Schulze von Delitzsch, Berlin, 1864, p. 203, en note.
  2. The theory of political economy, 2e éd. Londres, 1879, pp. 242 et 264.
  3. Stuart Mill présente une notion du capital beaucoup plus compréhensive que celle de Lassalle ou de Jevons ; le capital, selon lui, est à un stock accumulé de produits d’un travail antérieur. Le rôle du capital dans la production est de fournir l’abri, les instruments, les matériaux nécessaires au travail, et de nourrir, d’entretenir les travailleurs pendant la production (Principles of political economy, l, 4, § i, éd. populaire, Londres, 1885, p. 34). — Böhm-Bawerk, lui, refuse de faire entrer les subsistances des ouvriers dans la notion de capital (II, pp. 42-44). La raison véritable de ceci, c’est qu’il cherche le capital dans ce que le capitaliste obtient par son renoncement, non dans ce à quoi il renonce. Si on n’adopte pas sa façon de voir, les subsistances des ouvriers seront du capital : car le capitaliste qui les fournit à ces ouvriers eût pu les consommer lui-même immédiatement, ou du moins en consommer l’équivalent ; mais elles ne seront pas tout le capital.