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jouissances non pas immédiates, mais futures, diminue par lui-même la somme du bien-être social d’une quantité égale à l’utilité de 1.000 journées de travail[1]. Donc ceux qui loueront la maison en question devront payer, pour en avoir la jouissance, non pas ces sommes d’heures de travail qui accumulées permettraient de reconstruire la maison, mais une somme supérieure d’un dixième. Ce surplus paiera le sacrifice capitalistique consenti par la société ; et il sera réparti également entre les membres de celle-ci.

L’intérêt subsistera donc dans le régime socialiste. Mais il ne sera pas égal à ce qu’il est aujourd’hui, tant s’en faut : et voilà où réside l’erreur de Cassel. Une société socialiste en effet devrait capitaliser — c’est-à-dire employer à s’assurer des jouissances futures — une quantité de moyens ou de forces productives telle que la dernière dépense capitalistique rapportât autant qu’elle coûterait. Est-ce à dire, en supposant par exemple que le rendement — et le coût — de la dernière dépense capitalistique fût de 3 %, qu’elle devrait exiger pour toutes ses avances capitalistiques un intérêt de 3 % ? nullement. Elle devrait exiger pour toutes ses avances capitalistiques un intérêt égal à ce que ces avances lui coûteraient, ou mieux, elle érigerait pour toutes ses avances un intérêt uniforme, tel qu’au total elle fût rémunérée par ceux qui consommeraient le produit de ses opérations capitalistiques de ce que ces opérations capitalistiques prises globalement lui auraient coûté.

Revenons à la société actuelle : nous échapperons ainsi aux difficultés de toutes sortes où les précédentes considérations — dans lesquelles Cassel nous a entraînés — risquaient fort de nous perdre. Aussi bien c’est de la société actuelle que Cassel alors qu’il parle de la société socialiste, veut nous entretenir : son intention manifeste et déclarée est de présenter une apologie de l’intérêt, de l’intérêt tel qu’il est perçu aujourd’hui par les capitalistes, et de tout le montant de cet intérêt. Cassel critique le « profit », lequel serait souvent une rente de monopole, lequel encore, lorsqu’il rétribue les services personnels de celui qui le perçoit, lui paraît être souvent trop élevé[2]. Il parle tout autrement de l’intérêt. Mais ne nous a-t-il pas enseigné lui-même que cette abstinence, ce sacrifice que l’intérêt rémunère, c’est l’abstinence, c’est le sacrifice marginal, qu’il y avait quelque chose de fondé dans les railleries par lesquelles Lassalle a répondu

  1. Il faut faire abstraction ici de toutes sortes de difficultés : il faut supposer que l’utilité limite de la journée de travail ne variera pas d’une période à l’autre, etc, En acceptant la conception de prix déterminés — dans l’État socialiste — par le coût en travail on se condamne à rencontrer toutes ces difficultés.
  2. P. 184.