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croit en droit de parler d’un « développement historique — entendons d’un progrès à peu près continu — de la théorie de l’intérêt ».

Je ne dirai point par le menu la façon — ingénieuse certes et bien souvent conforme à la vérité, parfois aussi très discutable[1] — dont Cassel retrace ce « développement historique de la théorie de l’intérêt ». Je note seulement son appréciation sur la construction positive de Böhm-Bawerk. D’après Cassel, l’œuvre dogmatique de Böhm-Bawerk, cette œuvre qui veut ne rien devoir, ou ne devoir à peu près rien aux économistes antérieurs, est une œuvre à part. Böhm-Bawerk a prétendu renouveler la doctrine de l’intérêt ; il a dirigé ses recherches hors de la voie où ses prédécesseurs avaient poussé les leurs[2]. Les résultats auxquels il est parvenu, Cassel les juge très sévèrement. Quand Böhm-Bawerk dit que l’intérêt s’explique toujours par la préférence accordée aux biens présents sur les biens futurs, Cassel trouve l’explication tautologique, c’est-à-dire parfaitement vaine[3]. Le rôle qu’assigne Böhm-Bawerk, dans la détermination du taux de l’intérêt, à la notion de la durée du processus productif, Cassel le critique vivement, pour la raison que cette notion ne saurait comporter une définition précise[4], pour cette raison encore que la durée de la production n’est pas la même dans toutes les branches de l’industrie[5]. Parmi ces divers reproches que Cassel adresse à Böhm-Bawerk — je ne les ai pas rapportés tous — il en est sans doute qui sont fondés ; mais il en est aussi d’injustes, il en est même qui indiquent de la part de Cassel une étude insuffisamment attentive de celui qu’il prend à partie.

12. J’arrive à la théorie de Cassel sur la nature de l’intérêt, à ce qu’il dit des causes qui font naître et qui font varier l’intérêt[6].

  1. Ainsi quand Cassel nie formellement que Turgot ait cherché dans la « fructification » l’explication de l’intérêt (p. 22).
  2. Pp. 60-61.
  3. P. 62.
  4. P. 64. Aux pp. 125 et suiv., Cassel affirme que le progrès de la technique productive tend à abréger la période de production : mais cette période de production, il ne la calcule pas comme Böhm-Bawerk ; pour la déterminer il laisse de côté le « capital fixe », il ne considère pas le temps que ce « capital fixe » demande pour être constitué ; il s’attache au seul « capital circulant ». Cassel estime sans doute que, ainsi déterminée, la notion de la durée de la période productive devient plus utilisable. On trouvera cependant qu’il ne fournit pas à ce sujet les explications nécessaires.
  5. P. 65.
  6. Chap. 2 à 5.